•Chapitre 41•

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Le silence qui nous entoure est pesant, presque palpable, alors que Léopold et moi tenons la lettre de Jeanne entre nos mains tremblantes. Le crépitement du feu dans la cheminée semble lointain, étouffé par l'angoisse qui emplit la pièce. Les murs du salon, couverts de portraits ancestraux, semblent nous observer avec un regard accusateur, ajoutant une dimension presque oppressante à notre découverte. Avec précaution, je déplie le papier, laissant échapper une odeur de vieux papier mêlée à celle de l'encre, comme un écho du passé. Assis côte à côte dans le salon austère du château familial, nous scrutons les lignes écrites à la main avec une attention presque fébrile. L'écriture soignée de ma cousine trahit une certaine urgence, comme si chaque mot avait été griffonné avec une impérieuse nécessité.

Les mots semblent prendre vie sous nos yeux, révélant une vérité que je n'aurais jamais osé imaginer. La lettre, adressée à ses parents, me fait battre le cœur à tout rompre alors que je lis à haute voix, ma voix chancelante sous le poids de cette révélation.

« Maman, papa, et tous les autres,
Je suis désolée de ce que je vais faire, mais je ne peux plus supporter de vivre avec ces mensonges. Notre famille est néfaste, et je ne peux plus être complice de tout cela. Je connais tous vos secrets, je sais pour l'enfant caché d'Élisa, je sais pour tout le reste car j'étais là ce fameux soir lorsque je n'avais que sept ans. J'ai tout vu, et j'ai gardé le secret. J'ai voulu confronter Marianne il y a plusieurs mois. Maintenant ma vie est un enfer, elle a raison, je suis coupable moi aussi. Je n'ai plus d'autre solution, je vous demande pardon. »

Après la lecture de cette lettre, un silence accablant s'abat sur nous. Je lève les yeux vers Léopold, dont le visage trahit un mélange d'incrédulité et de compassion.

« Elle savait tout... » Les mots semblent s'étrangler dans ma gorge, comme si chaque syllabe portait le poids du monde.

Léopold pose une main réconfortante sur mon épaule.

« Charlène, tu dois en parler à ta mère. Elle doit être mise au courant de ce que tu as découvert. »

J'acquiesce, encore sous le choc.

« Oui, tu as raison. Il est temps que je lui parle. Avec cette lettre comme preuve, elle ne pourra plus nier la vérité. »

Je prends une profonde inspiration, rassemblant mon courage avant de me diriger vers le bureau de ma mère, laissant derrière moi l'austérité du salon et l'aura oppressante de la découverte.

Le bureau de Marianne, ma mère, est un sanctuaire dans le château, ses murs tapissés de livres et ses rideaux lourds lui conférant une atmosphère de calme feutré. Des souvenirs d'enfance me traversent l'esprit : les après-midis passés à jouer à ses pieds pendant qu'elle travaillait, le parfum apaisant de ses fleurs préférées toujours présentes dans un vase sur son bureau. Tout cela me semble bien loin aujourd'hui.

Marianne est assise derrière son imposant bureau en acajou, plongée dans ses papiers. Lorsque j'entre, elle lève les yeux, son expression se fermant instantanément à la vue de la lettre que je tiens entre mes doigts tremblants.

« Maman, il faut que tu m'expliques quelque chose », commençai-je, ma voix tremblante mais déterminée.

Elle fixe la lettre, puis relève les yeux vers moi, une lueur de compréhension et de résignation dans son regard.

« Je vois que tu n'as pas renoncé à fouiller le château. »

J'acquiesce.

« Oui, et j'ai trouvé ceci. Une lettre de Jeanne. Elle révèle des choses que je ne comprends pas encore. Je fais une pause, prenant une profonde inspiration avant de continuer. Elle dit qu'elle connaît tous les secrets, qu'elle sait pour l'enfant caché d'Élisa, et pour tout le reste. »

Le visage de ma mère se ferme, comme si les souvenirs douloureux de cette période refaisaient surface.

« Je sais, Charlène. Ton père et Élisa ont eu une liaison. Et ensemble, ils ont eu un enfant. »

Une vague de nausée me submerge, mais je m'efforce de rester calme.

« Pourquoi ne m'as-tu jamais rien dit ? Pourquoi m'avoir caché tout cela ? »

Marianne soupire, semblant porter le poids de nombreuses années de secrets et de mensonges.

« Quand Élisa a découvert qu'elle était enceinte, ton père avait déjà quitté le foyer. Il est parti pour la Suisse sans un mot, nous laissant seules. Élisa était dévastée, sans nouvelles de lui, seule avec son secret. Elle m'a tout avoué, espérant que je pourrais l'aider. Ensemble, nous avons décidé de cacher sa grossesse. Je l'ai envoyée hors de la ville pour qu'elle accouche loin des regards indiscrets. »

J'écoute, le cœur serré, chaque mot semblant ajouter un poids de plus sur mes épaules. Je remercie intérieurement ma mère d'enfin m'avouer la vérité.

Je serre la lettre contre moi, sentant les larmes embuer mes yeux.

« Et l'enfant, où est-il maintenant ? Qu'est-il arrivé à cet enfant ? »

Les yeux de Marianne se remplissent de tristesse et de regret. Un voile sombre semble passer devant elle, assombrissant l'atmosphère de la pièce.

« Je suis partie avec Élisa pendant quelques mois. À notre retour, nous avons fait croire que l'enfant était le mien. »

Un silence pesant s'abat entre nous, oppressant et étouffant. Je me sens submergée par cette nouvelle réalité, un tourbillon de pensées et de sentiments se bousculant dans ma tête.

« Pourquoi avez-vous fait ça ? » Ma voix tremble légèrement, chaque mot luttant pour sortir de ma gorge serrée.

Ma mère se lève, me tournant le dos pour regarder par la grande baie vitrée. Le jardin, habituellement si paisible, semble soudainement être le témoin silencieux de nos tourments.

« Élisa avait un enfant avec mon mari. C'était une nouvelle terrible, une source de ragots pour le village. Nous ne pouvions pas le permettre. Ton père venait de nous quitter pour la Suisse, et elle, elle allait se retrouver seule à élever cet enfant. C'était la meilleure solution pour tout le monde. »

J'essaye de digérer ces informations, chaque révélation semblant défier ma compréhension du monde. Cette histoire est folle, même venant de ma mère.

« Et cet enfant... Si tu as prétendu être sa mère, cela signifie que... » Les mots meurent sur mes lèvres, l'ampleur de cette révélation m'écrasant.

Marianne se retourne vers moi, acquiesçant doucement, écartant tout doute. Son regard est empli de tristesse et de culpabilité, les années de mensonges semblant peser lourdement sur ses épaules.

« Oui, cet enfant... C'est Constance. »

Ma mère a fait semblant d'être la mère de celle que je croyais être ma sœur.

Je quitte la pièce en trombe, des larmes coulant de mes yeux, et retrouve Léopold dans sa chambre, où il m'attend avec une inquiétude palpable.

« Alors, que s'est-il passé ? »

Je lui raconte tout, les mots jaillissant comme une cascade. Léopold m'écoute attentivement, son regard fixé sur moi avec empathie.

« C'est une histoire incroyable », murmure-t-il lorsque j'ai fini. Il m'enlace et essuie les larmes qui coulent sur mes joues, sa chaleur un réconfort dans ce moment de chaos.

« Que comptes-tu faire maintenant ? »

Je lui souris à travers mes larmes, déterminée et sûre de moi.

« Je veux dénoncer cette imposture. »

Noble cause.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant