•Chapitre 9•

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Le vent soufflait fort, faisant voler ses cheveux bruns autour de son visage éclatant de vie. Son rire cristallin résonnait dans toute la maison, un éclat joyeux qui illuminait l'atmosphère sombre du château. Elle tournait sur elle-même, faisant virevolter sa nouvelle robe en soie violette. Tout le monde aurait pu s'accorder sur ce point : Constance était absolument magnifique.

Mais alors, soudainement, elle s'arrêta. Son regard se fixa sur moi, et son expression changea. Terrifiée, en colère, je ne pouvais pas dire exactement ce qui se passait. Les mots sortaient de sa bouche, mais je n'entendais rien, je ne comprenais pas.

Elle s'éloigna, lentement, détournant les yeux. Ma vision se brouillait, sa silhouette s'évanouissant dans l'obscurité grandissante des murs du château. Le sol semblait se dérober sous mes pieds, grignoté par une ombre insidieuse. Constance était de plus en plus loin.

Je me mis à courir, désespérée de la rattraper, de comprendre ce qu'elle essayait de me dire. Mais elle disparut, engloutie par l'obscurité.

Je me réveille en sursaut, je me passe la main sur le visage et j'ai la sensation d'étouffer. Je mets quelques secondes avant que ma respiration puisse redevenir normale.

Ma tête me fait mal, et je sens mes muscles se tendre. Les lendemains de soirée sont toujours plutôt désagréables, mais celui-là l'est particulièrement.

J'essaye de reprendre mes esprits et de distinguer la réalité du cauchemar que je viens de faire. Mais plus j'émerge, plus les souvenirs d'hier me reviennent en tête. Léopold, notre rapprochement, la nuit horrible que j'ai passé, la sensation de honte qui me brûle.

La soirée d'hier devait être un moment parfait pour oublier tous les problèmes du château, et nous voilà rentrés avec de nouveaux soucis.

Constance s'est imprégnée dans mon esprit depuis que je me suis rapprochée de Léopold, et je me sens honteuse de ce qu'il s'est passé.

Leopold n'avait pas l'air de vraiment s'en soucier, en tout cas pas avant que je n'en parle. Je crois avoir décelé grand malaise chez lui lorsque j'ai prononcé le prénom de ma soeur.

Nous n'avons plus parlé le reste de la soirée, je me suis levée la première ce matin et après avoir remercié Kyle par politesse pour la soirée, je suis allée attendre Leopold dans la voiture.

Nous n'avons pas dit un mot de tout le trajet. Et je crois que c'est mieux ainsi. Je n'aurai pas su quoi lui dire de toute façon.

Je me lève finalement après quelques minutes pour aller à la salle de bain en faisant bien attention à ne croiser personne dans le couloir.

Le château est calme, trop pour une aussi grande famille, on dirait que tout le monde est sorti.

En traversant le couloir je m'arrête sur les photos accrochées au mur. Chaque membre de la famille Warteimer y a son portrait. Un sourire s'esquisse doucement sur mon visage, je suis presque choquée d'y voir le mien alors que je suis censée ne plus avoir ma place ici.

Et puis je croise le regard de Constance a travers l'une des photos, prise lorsqu'elle avait 19 ans, quelques semaines avant qu'elle disparaisse.

Je crois ne pas avoir revu son visage depuis mon départ pour Paris, je n'avais emmené aucune photo et mon départ était un peu trop précipité pour penser à cela.

Mais son visage est exactement le même que celui qui était resté gravé dans ma mémoire.

J'approche ma main du cadre.

« Constance, comme tu me manques. Le château était bien plus agréable lorsque tu étais là. »

C'est peut-être à partir du moment où ma soeur est partie que cette famille a sombré. Les drames ce sont enchaînés, l'ambiance ici s'est totalement détériorée.

Je n'avais que 15 ans à l'époque, mais je m'en souviens parfaitement. Et même si j'étais jeune, on avait décidé de me dire la vérité sur le décès de ma sœur.

Je savais absolument tout sur la nuit terrible de sa mort, lorsque son corps est passé par dessus la rambarde de l'escalier.

Ma sœur souffrait de somnambulisme, et ma mère m'avait expliqué le lendemain de l'accident de Constance que l'une de ses crises de somnambulisme était probablement allée trop loin. C'était déjà arrivé quelques fois apparement, mais cette fois-ci, personne ne s'était réveillé à temps pour l'empêcher de passer au dessus de la rambarde.

Après l'enterrement de Constance, Léopold est parti poursuivre ses études à Londres. L'ambiance devait probablement être trop dur pour lui. Lui et ma sœur étaient si proches quand ils étaient jeunes, la voir disparaître de cette façon a dû être terrible.

Et je me sens coupable de m'être rapprochée de lui ces derniers temps, un rapprochement sûrement causé par la tristesse que nous ressentons tous les deux en ce moment. Mais je n'ai pas à tomber amoureuse du meilleur ami de ma sœur, et il ne faut pas qu'il le soit non plus.

Je me recule de quelques pas du portrait de Constance, le décès de ma soeur a marqué toute la famille.

Je me souviens seulement des voix des secouristes, arrivés trop tard pour la réanimer. Et de celles de la police aussi, qui a voulu ouvrir une enquête pour savoir s'il s'agissait d'un suicide.

Mais non c'était un accident, un terrible accident qui m'a enlevé ma soeur.

Et aujourd'hui nous revivons tout ça, cette fois-ci, c'est Jeanne qui nous a été enlevé.

Constance et Jeanne était les personnes les plus importantes pour moi. J'étais très proches d'elles plus petite, je les aimais énormément. Et je les ai perdues toutes les deux.

Je me promène dans ces couloirs vides avec leurs fantômes à mes côtés.

Aujourd'hui, je connais la vérité pour le décès de ma soeur, et je sais que je ne peux plus rien faire pour la sauver. Je ne peux plus sauver ma cousine non plus, mais je peux aider la famille de Jeanne à trouver des réponses à leurs questions, je l'ai promis à François.

*

Alors après une bonne douche froide pour me remettre les idées en place, je décide de profiter de ce moment d'absence de ma famille pour fouiller le château d'un quelconque indice qui me donnerai une explication sur le suicide de ma cousine.

Je remarque le regard de Léopold lorsque je traverse le château. Cela me rend mal à l'aise vu la situation, mais je crois que je souris intérieurement.

Il faut que je garde mes distances avec lui quelques temps.

Et même si je n'ai pas envie de le reconnaître, je sais qu'il ne me laisse pas indifférente. Mais le déni est toujours la solution la plus facile, et c'est celle que je choisi, pour le moment. Tout est plus simple quand on ferme les yeux.

Si Léopold commence a me plaire, je préfère agir comme si de rien n'était, ça vaut bien mieux pour tout le monde.

Enfin je crois.

Noble cause.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant