Chapitre 1 - Ne pas tout gâcher - Adam

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Il est 17h30 et nous avalons les kilomètres depuis presque 4h. L'habitacle est silencieux, Madame Miller, l'assistante sociale au volant ne pipe pas mot, le regard fixé vers l'horizon. Les écouteurs dans les oreilles, je termine d'écouter Karma Police de Radiohead. J'entrevois au loin les éclairages de la Nouvelle Orléans. Nous y sommes presque, mon nouveau foyer. Après 4 ans de ballotage, cette ville devrait être la mienne durant quelque temps.

Ma tante Martha et mon oncle Bruce ont finalement obtenu ma garde. Le combat a été long et "éprouvant" selon les dires de ma tante. Il semble que ma nouvelle famille n'était pas assez parfaite pour m'accueillir ou peut-être n'étaient-ils pas pressés de m'avoir dans leurs pattes ?

Pour un fan de musique comme moi, ce nouveau départ à la Nouvelle-Orléans devrait me réjouir. Mais j'ai compris depuis longtemps que je ne serai heureux nulle part. Peu importe où la vie me mène. Je ne cherche pas une famille. Je ne cherche plus le bonheur. Dans 1 an, je serai majeur et je pourrai dire adieu à tout ce merdier.

La voiture ralentit à l'embranchement et nous pénétrons enfin dans cette ville dont je n'ai que de vagues souvenirs de visite durant mon enfance. Le soleil se couche et la lumière des lampadaires éclaire les maisons, boutiques et bars à l'architecture coloniale. Nous ralentissons dans une rue où se succèdent des maisons chics typiques de la Nouvelle-Orléans. Même si l'obscurité tombe, je perçois les couleurs vives de ces bâtisses d'un autre temps. La voiture s'arrête finalement devant une belle demeure d'une couleur bleu.

- Nous sommes arrivés, tout le monde descend, me dit-elle tout en croisant mon regard dans le rétroviseur.

Je hoche la tête et sors de la voiture en emportant avec moi mon sac à dos et ma passagère de gauche : ma guitare. L'air est frais et chargé d'humidité. J'en respire une grande goulée, puis récupère mon sac de voyage dans le coffre. L'assistante sociale se pointe à mes côtés, m'observe de haut en bas et souffle en me lançant un regard désapprobateur.

- Même si ce sont des personnes de ta famille, souviens-toi qu'ils peuvent te renvoyer dans le fin fond de la Louisiane quand ils le souhaitent. Ne les prends pas pour acquis. Tiens-toi bien, comporte-toi bien et je t'en prie, soigne un peu plus ton apparence. Ne gâche pas cette chance !

Je retiens un rictus. Elle n'a pas tort sur un point, avec mon look grunge, veste en cuir et jean troué,  je dénote dans ce quartier aux allures de Wisteria Lane. Je n'ose lui répondre que tout gâcher est une de mes spécialités et lui adresse un ultime hochement de tête comme unique réponse.

Nous remontons l'allée qui mène à la maison, elle devant, moi derrière avec ce qu'il reste de ma vie sur les épaules. L'assistante sociale frappe à la porte. Je perçois un mouvement à l'intérieur, puis la porte s'ouvre enfin, sur une femme blonde, d'une quarantaine d'années tout sourire. Un instant, je la sens gênée ou peut-être déçue, puis elle se reprend :

- Bonjour Adam, comme tu as grandi !  Madame Miller, entrez tous,  je vous en prie. Vous avez fait bonne route j'espère ?

Je laisse l'assistante sociale faire la conversation pour nous deux et me plonge déjà dans la contemplation de cette maison plus grande que toutes celles où j'ai déjà pu crécher. Les plafonds sont particulièrement hauts et l'entrée est immense. Elle dessert plusieurs pièces adjacentes avec en son centre un escalier d'inspiration coloniale d'un blanc immaculé. Bordel, ça pue l'oseille !

Ma tante nous guide vers le salon où se trouve un gigantesque écran plat et deux grands canapés blancs. Sur la table basse sont disposés quelques papiers, sûrement liés à mon transfert et des biscuits secs dans une coupelle argentée. Au milieu de cette pièce se trouve une grande cheminée d'époque sur laquelle on a soigneusement dressé de jolis cadres blancs. Je m'approche et mon regard se pose sur les photos de cette famille parfaite. Ma tante, toujours ravissante tirée à quatre épingles, mon oncle Bruce tout sourire avec ses cheveux châtains et ses yeux clairs typiques des Brown et mon cousin Ethan, grand et sportif, le portrait craché de son père.

Et tout au fond de cette rangée interminable de photos idylliques se trouve une photo différente, moins posée, d'un couple qui s'enlace : mes parents. Je détourne rapidement les yeux, mais il est déjà trop tard. Mon amie souffrance est déjà là. Elle ne me quitte jamais. Prête à se nourrir du moindre souvenir, de la moindre photo, du moindre cauchemar... Je mentirais si je disais que l'on s'y habitue.

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