J'entends des détonations, puissantes et régulières.
Je frissonne et ouvre les yeux en sursaut.
Je suis allongée sur un lit et couverte d'un fin drap blanc. Presque immédiatement, une odeur de désinfectant vient me piquer le nez. L'hôpital. De nouvelles détonations se font entendre. Je lève la tête, une poche au liquide transparent est suspendue au-dessus de moi. Je sors mon bras de sous le drap, un scotch blanc retient une aiguille plantée dans une de mes veines. Je me redresse et observe la pièce. Les murs d'un blanc immaculé sont parsemés de tâches de lumières colorées. Je pivote en direction de la source de ces bruits assourdissants et je la vois.
Appuyée contre la fenêtre ouverte, ma mère a le regard rivé vers le ciel, dans lequel se joue le feu d'artifice de la nouvelle année. Lentement, je bascule mes jambes sur le rebord du lit, attrape le pied à roulettes auquel est accroché ma poche et me lève pour la rejoindre.
Lorsque j'arrive à sa hauteur, ma mère ne bouge pas et continue de contempler les cieux. Je la dévisage en silence. Elle n'est pas comme d'habitude. Elle a le dos courbé, et des mèches s'échappent de son chignon. Sa chemise blanche est froissée et son maquillage a coulé. Ses yeux, dans lesquels se reflètent le feu d'artifice, sont chargés de larmes qui coulent de manière régulière sur ses joues. Je continue de l'observer, presque subjuguée, essayant d'imprimer dans ma tête cette image d'elle. J'ai l'impression de voir ma mère pour la première fois. Humaine et imparfaite.
Alors que la dernière explosion retentit dans le ciel. Je pose une main sur la sienne. Elle essuie ses larmes de son autre main, lisse sa chemise, se redresse, puis se tourne vers moi. Ses yeux bleus sont un océan de tristesse. A cet instant, je comprends.
J'avais toujours cru que j'étais la seule à souffrir. La seule à me sentir triste et seule. Désormais je savais. Ma mère était malheureuse. Terriblement malheureuse.
Tellement, qu'elle ne savait plus comment m'aimer.
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Le diagnostic du médecin est sans appel : crise d'angoisse sévère. Traitement donné : exercices de relaxation et séances de psy. Génial. En cette nuit du 1er janvier, l'hôpital est surchargé et le moindre lit est précieux. A peine 1h après mon réveil, on m'autorise à sortir sous surveillance. A part les différentes questions qu'elle pose au corps médical, ma mère s'est murée dans le silence. Et de mon côté, je ne fais rien pour le briser.
Alors qu'elle s'arrête au secrétariat pour régler les détails administratifs de mon court séjour, je lui indique que je l'attends devant l'entrée. J'ai besoin de m'éloigner et de sortir de cet endroit aseptisé. Lorsque je passe les portes automatiques de l'hôpital, je ferme les yeux et prends une grande inspiration. L'air frais vient me remplir les poumons et je lâche un gros soupir de soulagement. Ma mère me rattrape et nous rejoignons la voiture. Alors que nous nous éloignons de l'hôpital, mon regard est attiré par une silhouette noire, sous l'abri de bus face à la clinique. Mais déjà, nous sommes loin et la fatigue vient me submerger à nouveau.
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Trois semaines ont passé depuis l'épisode chaotique de la crise d'angoisse avec ma mère. Rien n'a changé. Hormis le fait que parfois le soir, alors qu'elle me croit endormie, elle pousse délicatement la porte de ma chambre et m'observe dans l'obscurité. Quelques fois, je l'entends pleurer en silence et ça me brise le cœur. Pourtant, à chaque fois, je reste dans mon lit, pétrifiée par cette tristesse et cette mère que je ne reconnais pas.
Les cours ont repris au lycée et j'aimerais pouvoir dire que là aussi rien n'a changé, mais c'est faux.
Adam ne révise plus avec moi.
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Breathe 🤍
RomantizmComment retrouver son souffle lorsque l'on est consumé de l'intérieur ? Elle s'impose un rythme infernal pour atteindre la perfection. Il a connu le pire et peine à retrouver un sens à son existence. Sam et Adam n'étaient pas destinés à se rencont...