Chapitre 3 - Seule - Sam

267 45 84
                                    




Je ne sais pas depuis combien de temps je planche sur mon algèbre. J'ai perdu la notion du temps et les chiffres se mélangent dans ma tête. Je sens ma concentration me filer entre les doigts. Heureusement, j'ai eu la bonne idée d'éteindre mon téléphone et de le ranger dans un tiroir de ma commode. Après ce samedi entier à réviser, c'est maintenant que j'ai le plus envie de craquer et d'ouvrir ce tiroir.

Je regarde les vestiges de mon déjeuner sur le lit : paquets de chips, biscuits et bonbons. Peut-on vraiment appeler ça un repas ? Pour toute réponse, mon ventre se met à gronder. Je décide de m'octroyer une pause et sors de ma chambre pour me rendre dans la cuisine. La maison est vide, comme d'habitude. Je ne sais pas ce qu'il y a de plus déprimant : que je sois encore seule dans cette immense maison ou que je me sente seule même quand ma mère est là ?

J'entre dans la cuisine et me dirige vers le frigo, j'y trouve un énorme cheesecake au caramel. Mon dessert préféré. L'horloge du four indique 20h00. Je sors une grosse cuillère et commence à déguster ce trésor national. Mon dieu, c'est délicieux !

Soudain, j'entends la porte d'entrée claquer et le bruit familier des talons de ma mère sur le sol en marbre.

- Samantha c'est toi ?

- Oui je suis là maman.

C'est la première fois qu'elle rentre si tôt depuis plusieurs mois. Ma mère est une self made. L'incarnation du rêve américain. Elle repris ses études, grâce à une bourse, alors que j'avais tout juste 1 an. Aujourd'hui, elle a son propre cabinet d'avocats. Le plus renommé de Louisiane. Cela implique des sacrifices, comme elle aime me le rappeler.

Elle entre dans la cuisine, son ordinateur dans une main, son téléphone dans l'autre. Elle est vêtue d'un tailleur noir parfaitement repassé qui met en valeur sa silhouette. Ses cheveux bruns sont relevés au-dessus de sa tête en un chignon d'où aucune mèche ne s'échappe. Son maquillage irréprochable met en valeur ses yeux bleus et ses pommettes saillantes. Elle est impeccable comme à son habitude.

Lorsque ses yeux se posent sur moi, il me faut peu de temps pour sentir la désapprobation dans ses prunelles. Il faut dire que je suis loin d'être son égal ce soir. Même si j'ai remonté mes mèches de devant en un chignon improvisé, ma cascade de cheveux se donne en spectacle jusqu'en dessous de mes épaules. J'ai mis le survêtement qu'elle déteste me voir porter, je ne suis pas maquillée et je n'ai même pas pris le temps d'enlever mon vernis écaillé. Je lui sers une vraie vision d'horreur. Je sens son regard se durcir davantage lorsqu'elle découvre mon repas improvisé.

- Samantha, on en a déjà parlé, je ne veux pas que tu manges ce type de cochonneries. Je ne comprends pas pourquoi Daisy continue de faire des pâtisseries. Je lui avais pourtant dit d'arrêter.

Je baisse les yeux sur mon cheesecake et m'apprête à lui répondre lorsqu'elle reprend :

- Oui, oui bien sûr Martin. Il faut traiter le dossier de Monsieur Taylor ce soir. C'est une urgence. Oui encore une, je sais.

Comme à son habitude, ma mère porte ses écouteurs Bluetooth comme une extension d'elle-même. Elle n'est déjà plus là, absorbée par la conversation qui se joue désormais dans ses oreilles. J'ouvre la poubelle et jette le reste du cheesecake dans celle-ci. Je remonte l'escalier progressivement. Arrivée en haut, je l'entends m'appeler :

- Samantha, tu as bien eu l'argent que je t'ai laissé sur ton bureau ce matin ?

- Oui maman, merci.

- Joyeux anniversaire et ne gaspille pas tout inutilement. Profites-en pour aller chez la manucure. 

Je conserve mon attitude placide et lui réponds simplement :

- Oui maman. Merci. Bonne nuit.

Il y a quelques années encore cette situation aurait pu m'atteindre. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas. J'ai construit des remparts autour de mon cœur et me suis habituée à cet amour maternel différent. Enfin, je crois.

J'entre à nouveau dans ma chambre et m'apprête à me replonger dans les chiffres lorsque mon regard se perd sur le tiroir de ma commode dans lequel repose mon téléphone. Un coup d'œil ça ne peut pas me faire de mal. J'ouvre ce dernier et en sors l'objet du délit.

Après quelques secondes, il s'allume. Des dizaines de messages s'affichent à l'écran et surtout un nombre incalculable d'appels manqués d'une seule et même personne : Mia, ma meilleure amie.

Soudain, le téléphone se met à vibrer, c'est encore elle qui appelle. Je décroche :

- Enfin Sam ! J'ai presque cru que tu étais morte ! - me hurle t-elle.

- Ah ah, pas encore rassure-toi. J'ai révisé toute la journée, j'avais éteint mon téléphone.

- Non, mais franchement mademoiselle Samantha Willson, vous êtes irrécupérable.

Je déteste quand elle m'appelle comme ça et elle le sait. J'ai l'impression d'entendre ma mère.

- Mia je...

Elle m'interrompt.

- On sort ! Et pas d'histoires.

Voici l'une des raisons qui m'ont poussée à ne surtout pas ouvrir ce téléphone de la journée. Je ne voulais pas tomber dans l'un de ses guets-apens. Je dois me concentrer sur mes études, si je veux être la meilleure, je ne peux pas perdre de temps à sortir.

- J'ai pas la tête à ça Mia, je suis crevée et loin d'être habillée pour sortir. - dis-je en jetant un œil à mon reflet dans le miroir.

- C'est pas grave, on va se préparer ensemble. Regarde par ta fenêtre.

Je m'avance au bord de celle-ci et là, devant chez moi, je découvre ma meilleure amie, le téléphone dans une main et dans l'autre, un énorme ballon sur lequel est inscrit : « Happy Birthday Princess » . Elle se met à sautiller dans tous les sens, tout en chantant "Happy Birthday to you". Je ne peux m'empêcher de rire en la voyant s'agiter ainsi.

Je descends rapidement lui ouvrir et nous remontons toutes les deux dans ma chambre. Je ne m'inquiète pas de ce que ma mère pourrait en dire. Elle s'est enfermée dans son bureau à double tour. Même un ouragan ne pourrait la faire sortir de son antre.

Mia m'explique rapidement qu'il y a une soirée scène ouverte ce soir,  au House of blues, dans le quartier français de La Nouvelle-Orléans et que c'est l'endroit idéal pour faire la fête. L'idée même de faire la fête ne m'enchante guère, mais cela fait plus de 4 mois que je lui refuse toutes ses propositions de sorties. Je vois bien que cette fois, elle ne lâchera pas l'affaire. Je pars me doucher pendant que Mia fouille dans mon dressing à la recherche d'une tenue. Lorsque je sors en peignoir, je découvre une petite robe noire avec un léger décolleté et des manches longues transparentes sur le lit. Je grimace :

- C'est quoi ça ?

- Cadeau ! - me dit-elle. Je l'ai achetée pour toi. Je sais que tu n'es pas très robe, mais quand je l'ai vue, je me suis dit qu'elle était faite pour toi.

- Mia, tu n'aurais pas dû, vraiment. Tu es folle, ça a dû te coûter un bras. Merci.

- Ne t'inquiète pas, je l'ai achetée dans ma friperie favorite.

Ce cadeau me fait autant plaisir qu'il me gêne. Je ne suis pas à l'aise en robe ou plutôt je ne suis pas à l'aise avec mon corps. Pour autant, Mia ne roule pas sur l'or. Et parce que cette robe sera sûrement mon seul véritable cadeau d'anniversaire, je souris et prends ma meilleure amie dans mes bras. Je ne suis pas si seule finalement.

__________________________________________________________

Qu'avez-vous pensé de ce chapitre ?

N'hésitez pas à :

👋🏻 Donner votre avis ( ça me motive beaucoup )

⭐️ Cliquer sur la petite étoile

📚 Ajouter Breathe à votre liste de lecture

📢 Vous abonner pour recevoir les alertes !

Mille mercis ❤️

__________________________________________________________

Breathe 🤍Où les histoires vivent. Découvrez maintenant