La majorité des gens vous diront que c'est chiant, de faire le ménage, et si en soit je ne suis pas fondamentalement en désaccord avec ces mots, j'aime penser que l'on peut toujours s'amuser un peu plus une fois qu'on a les bonnes personnes avec qui faire les corvées.
Assez bizarrement, « les bonnes personnes » aujourd'hui, c'est Abel. Je ne sais pas pourquoi lui en particulier, pourquoi aujourd'hui en particulier. Je sais juste qu'il est très concentré à sa tâche, penché sur le balais avec une posture qui me fait mal au dos rien que de le regarder.
Je vais chercher la serpillière, dans un des nombreux placards de ce bâtiment et je m'attelle à la tâche. Je sais que le reste du groupe se concentre sur d'autres endroits de notre lieu de vie, et je plains quiconque s'est retrouvé en compagnie de Kozma. Je suis presque sûre que c'est Ismaïl.
On s'assoit sur les plans de travail une fois la serpillière passée, en attendant que le sol soit bien sec, et je sens une question me saisir l'esprit, le genre de question qui semble aussi évidente qu'inquiétante.
« Dis, Abel. Pourquoi tu as donné ton appel, pour de vrai ?
– Tu en fais meilleur profit que moi, et je te devais bien cela après que tu sois punie par ma faute.
– Et ton ami alors ? Celui avec qui tu dansais ? »
Le silence ne me plaît pas, et pour la première fois je vois une douleur vive dans les yeux d'Abel, une douleur qui n'a pas fini de cicatriser, encore récente.
« Il était un Ultime, Héloïse.
– Je... Je suis désolée.
– Ne le sois pas. Il... » il soupire, passe ses doigts sur ses yeux en soulevant ses lunettes. « Il a fait ses choix. J'aurai juste aimé pouvoir lui dire au revoir en face, au lieu de l'apprendre de Monokuma.
– C'est Monokuma qui te l'a dit ?
– Je lui ai posé la question de pourquoi il ne me répondait pas, il a simplement répondu. Monokuma est une personne étonnamment honnête, tu sais ?
– ... Tu veux me parler de lui ?
– Pourquoi pas. » il soupire de nouveau, et ses lèvres se lèvent un peu, un sourire fatigué. « Il... On s'est rencontrés dans un collège, un véritable enfer. Je suppose que tu reconnais le nom de « Saint-Cyr » ?
– Bien sûr. » j'ai... Avais des amis, qui en venaient, de cet endroit. Une prison, un lieu de torture glorifié. Il aura fallu attendre deux-mille dix-neuf pour que la réalité soit dite en plein direct à la télévision. « Tu y étais longtemps ?
– J'ai fais deux années là-bas. Je suis arrivé en deux-mille dix-sept. Parti en juin de deux-mille dix-neuf. Lui, Judicaël, il est parti avant moi. C'est lui qui m'a parlé le premier.
– Judicaël... Levavi ? » Abel hoche la tête et je fais beaucoup d'efforts pour retenir ma surprise. J'avais entendu parler de son ami, l'Ultime Activiste LGBT, une personne haute en couleurs et impossible à manquer. J'ai du mal à voir quelqu'un comme Abel, sobre et discret, être ami avec lui.
« On était tous les deux des parias. Lui, ouvertement queer et handicapé. Moi, noir et antipathique. Il m'a parlé à un repas, pendant des vacances. Et au suivant, et celui d'après aussi. Je ne sais pas pourquoi il est venu vers moi, mais ça... Je pense qu'il m'a sauvé, d'une manière.
– Comment ça ?
– Je suis parti car son absence m'a rappelé tout ce qu'était réellement Saint-Cyr. Il rendait ça supportable.
– Tu parles presque comme si tu étais amoureux de lui.
– Si je n'étais pas aromantique, je le serai sans doute. » il hausse les épaules, comme si c'était évident. « Judicaël attire les gens. Et je ne fais pas exception. On a arrêté de parler, après qu'on ait quitté l'école. Les choses ont fait que la Tragédie à été révélée au monde quelques mois plus tard.
– Mais tu l'as revu, pour dire que tu continuais de lui parler. » il hoche la tête, descend du comptoir maintenant que le sol est sec.
« Nous sommes devenus des Ultimes la même année. Cette fois-ci, c'est moi qui suis allé le voir, à la rentrée. J'étais si heureux de le revoir, je devais vraiment avoir l'air d'un idiot. » il rigole un peu, et j'ai du mal à imaginer Abel l'air béat... « Il... Il était la seule chose positive qui me soit arrivée, dans mon enfance.
– Et du coup... ?
– Il a disparu l'année dernière. J'ai demandé à d'autres amis à lui, rien. Sa mère, rien.
– ... Un.e ami.e à moi aussi à disparu, l'année dernière. » je mords ma lèvre, mes mains tremblent. « Ael s'appelle Lan Yue. Je... Je ne sais pas si ael est mort.e, mais je me dis qu'ils auraient pu être amis, se soutenir.
– C'est vrai. Je crois que Judicaël m'a parlé d'ael en passant, l'Ultime Pole Dancer ? » je hoche la tête et il soupire un peu. « J'espère que c'est le cas Héloïse. Tu as perdu bien plus que moi, il semblerait.
– C'est pas juste, de quantifier ce qu'on perd, je pense. » Je descends aussi du plan de travail, prends une bouteille de jus de fruit et nous sert tous les deux un verre. « Comparer c'est... Ça sert à rien.
– C'est vrai. Mes excuses.
– Y a pas de mal. » je lui souris et tend le verre qu'il accepte volontiers. « Moi, je veux sortir car il y a des gens qui m'attendent dehors.
– Je sortirai car lui n'a pas pu. » il me sourit et on trinque. « Je lui dois bien ça. »
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Observing End [LPM]
Mystery / Thriller"Enregistrement premier. Les seize élèves sont bien arrivés, la première commence à se réveiller. Il s'agit de l'ultime cryptozoologiste, Samuel dit "Sam" Carter. D'ici quelques heures au plus, une nouvelle tuerie commencera." Enfermé dans un asile...