CHAPITRE II - 25 : Sans aveux

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Je pense que Génésis sent mon regard sur lui, car il se tourne vers moi avant d'immédiatement détourner les yeux. Bon sang, j'ai pas envie, j'ai pas envie... Mais il faut. Car si ce n'est pas moi, alors qui ? Qui d'autre ici a vu, qui oserait accuser quelqu'un qui a l'air aussi malade rien que de se tenir ici ?

Est-ce que je dois prendre son rôle de monstre à Monokuma le temps d'un procès ? Est-ce que je dois être la « méchante », est-ce que c'est ce que je suis forcée d'être maintenant et pour les procès à venir ?

Je n'en sais rien, honnêtement, mais ça m'effraie.

Je ne veux pas qu'on se souvienne de moi ainsi.

Mais je n'ai pas vraiment le choix.

Je racle bruyamment ma gorge, les douze regards de mes camarades et de Monokuma me disséquant de nouveau comme une simple souris de laboratoire. Mais n'est-ce pas ce que nous sommes, pour Monokuma ? J'essaie d'ignorer le tremblement qui saisit mes mains, et concentre mon regard vers Eleanor, qui a l'air de savoir que j'ai compris.

Je dois faire vite, asséner un coup fatal avant que quelqu'un ne tente de soigner le boss de cette session en le défendant. Je dois avancer les preuves.

« Je repense au sang, dans le salon. Il y a quelque chose qui m'avait frappée, quand on a fouillé avec Eleanor, et c'est une sorte de trace, comme si quelqu'un avait glissé sur le sang alors qu'il était encore frais.

– C'est pour ça, que tu as demandé à voir nos genoux et nos mains ?

– Exactement. Mais j'ai oublié une chose très simple, en vous demandant ça. Personne ici n'a la moindre trace de blessure, et je suis sûre que Monokuma l'aurait indiqué si cela avait été le cas de l'une des victimes. » Il hoche simplement la tête quand je demande silencieusement sa réponse, me laissant continuer mon argumentaire. « Mais c'est simplement car la personne qui a glissé ne pouvait pas se blesser au genou. Pour sa main, elle s'est simplement rattrapée sur la table juste à côté pour ne pas tomber face la première dans le sang.

– Attends, comment est-ce que cette personne aurait glissé, exactement ? Hélo, vu la direction de la trace, iel aurait dû tomber vers les cadavres !

– Exactement. Iel voulait s'approcher d'un des cadavres et, dans sa précipitation, a glissé dans le sang de l'une des victimes.

– Pourquoi faire ça... ?

– Car iel ne voulait pas croire qu'iel avait tué une personne en particulier. N'oubliez pas un fait très simple : tout argument affectif pour protéger qui que ce soit ici ne peut pas être pris en compte, et personne ici n'avait de raison particulière pour tuer quelqu'un... Or de ceux particulièrement affectés par le mobile. Et parmi ces gens là, on peut exclure Văn Kim, qui a... Passé la nuit avec Ife.

– Qui est-ce que tu as en tête, en disant tout ça, exactement ?

– J'y viens Morgan. » Ma tête me fait mal, mais je dois rester concentrée, je ne peux pas perdre de vue mes arguments. « On a également pas retrouvé l'arme du crime, avec Eleanor. Que se soit dans les chambres, dans le reste de l'asile, rien. Donc, Monokuma, aurais-tu laissé une arme disparaître de la sorte, incapable d'être retrouvée ?

– ... Non. Toute arme du crime restera accessible autant que possible. Je ne laisserais pas une arme disparaître ainsi.

– Donc, l'arme est toujours ici. Et il trouve qu'il y a une personne ici, qui semble réunir bien des coïncidences. Une personne plus petite que Sam et Isla, qui était affectée par le mobile, qui n'avait rien contre Sam ou Isla en particulier et aurait voulu s 'assurer de l'état de l'une des deux, qui n'aurait pas pu se blesser le genou et qui pourrait garder l'arme du crime sur elle a tout instant. Une personne qui n'a pas tout dit à l'interrogatoire.

– Stop. » Je regarde Morgan, qui je le vois a tout compris. Absolument tout. « Sur quoi ça tient, tes arguments, à part des spéculations, à part des extrapolations ??

– Quand Monokuma a annoncé qu'il est impossible de se dénoncer, Génésis est le seul à avoir réagit. Car je suppose qu'il le savait déjà. Que Monokuma lui a dit quand il a rejoint sa chambre pour nettoyer sa prothèse et sa canne comme il le pouvait avec un mouchoir. Quand il n'a plus réussi à dormir car il avait tué deux personnes, dont une amie.

– Génésis était dans sa chambre. Il, il est trop faible pour tuer ainsi, justement à cause de sa jambe ! Il a pu réagir comme ça car il espérait comme tout le monde que ça pouvait être aussi simple ! Le mobile n'a pas affecté que lui, et tu es bien placée pour le savoir Héloïse !

– Pas pour vous interrompre, surtout... » Mon attention et celle de Morgan est happée par Kozma, un sourire amusé aux lèvres. Il est bien le seul à se délecter de ce triste « spectacle » qui sert de débat entre l'accusation et la défense. « Mais j'ai comme qui dirait passé la nuit juste à côté de la scène du meurtre. Et les pas que j'ai entendu étaient étranges. Paniqués, oui mais surtout, il y avait un troisième bruit à chaque pas. Comme... Une canne.

– Tu te fous de nous, tu comptais dire ça quand ?!

– Au bon moment, et on dirait que j'ai bien timé, pas vrai, mademoiselle la « protagoniste »?~

– ... » autant que ça me coûte, oui. Oui, il a bien choisi son moment. « Génésis. C'est toi qui a tué Sam et Isla, pas vrai ? »

Le silence. Génésis me regarde, les yeux brillants de larmes avant de purement et simplement s'effondrer au sol, sa canne ricochant sur le sol de pierre, donnant un tempo au chorus des pleurs qui le secoue. Ses cheveux donnent à sa forme frêle l'impression d'un fantôme, d'un esprit pleurant la disparition d'un proche.

Mais est-ce que ça ne sera pas assez tôt le cas ?

« Oui... Je, je voulais pas, je... J'entendais le piano, tous les jours... Tous les jours ! Et je, je me sentais partir, comme, comme si chaque note prenait de ma sanité... » il relève la tête, son visage crispé de douleur et d'une chose qui ressemble à la folie. Son sourire ne trahit que douleur et désespoir. Ou peut-être même Désespoir. Il prend ses bras dans ses poings, et serre si fort que j'aurai presque peur que sa simple force soit assez pour lui briser les os. « Je... je voulais pas... Je, je sais pas comment... J'étais dans ma chambre, puis... Puis dans le salon... Puis Isla était au sol et... Et Sam est entrée... »

Le gémissement de douleur qu'il laisse retentir me gèle le sang, et pour une énième fois aujourd'hui, j'ai envie de vomir toutes mes tripes.

Est-ce que c'est ça, le Désespoir ? Ou bien est-ce juste quelqu'un sur le point de sombrer ?

Est-ce que qui que ce soit peut y échapper, ici bas ? Ou bien sommes-nous tous condamnés à finir par pleurer et tousser nos poumons sur le sol de pierre d'une pièce trop blanche pour ce genre d'horreur ?

« Bon, on peut voter alors ? »

Le Diable n'est pas celui qui nous fait face avec le sourire de la damnation, aujourd'hui.

Observing End [LPM]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant