CHAPITRE III - 33 : Nous ne savons rien

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« Donc... On commence par quoi ? »

J'en sais rien.

J'en sais rien Morgan, j'ai aucune idée de par quoi « commencer », exactement. Et les trois innocentes ne sont pas mieux que moi. Elles se regardent, hésitent, regardent les autres.

Dix secondes passent en silence.

Quinze.

Vingt.

« Tout ce qu'on a... » commence Ife « c'est le lieu de sa mort, et quatre innocents sûrs. Peut-être cinq.

– Comment ça se fait ?

– Ife était avec Kozma, et Ismaïl dans le tunnel entre les bâtiments. C'est presque impossible que la nuque d'Abel ait été brisée de cette manière avec les mains, surtout que certains ont confirmé l'avoir vu sur le toit.

– Donc... La moitié d'entre nous est clean ? »

La moitié.

On est déjà plus que dix.

On a déjà perdu six personnes.

Mais il reste cinq personnes suspectes. Dont moi, bien sûr.

Je regarde les quatre autres suspects. Ringo joue avec le fil qui dépasse de sa poche, l'air aussi angoissé qu'à la piscine, aussi proche de la crise de larmes que quand il s'est confié auprès de moi. Émile mord sa lèvre déjà rouge de sang, depuis quand est-ce qu'il mord sa lèvre assez fort pour saigner ? Morgan hoche la tête, l'air résigné.e à cette idée, comme si ce n'était pas si surprenant. Văn Kim ne regarde même pas au-dessus de son piédestal, ses ongles sont rouges aussi, tapant nerveusement sur le bois.

Et moi alors. A quoi je ressemble, entre deux innocentes ? Est-ce que cela me rend suspecte ? Pourquoi je m'inquiète de ça, je... Je n'ai pas tué Abel, je dois savoir qui l'a fait.

« Tu as parlé de sa nuque, Achroma. » Ringo se tourne vers la portraitiste, avale nerveusement sa salive « Qu'est ce qu'il lui est arrivé, exactement ?

– Il est tombé. » Eleanor répond immédiatement. « J'ai déjà dû faire des maquillages de nuques brisées, de trucs du genre, et... Vu comment il était, il est tombé. Je sais pas comment par contre.

– C'est possible que se soit un suicide ?

– Tu connais beaucoup de gens qui se suicident en se jetant comme ça ? La manière dont il est tombé c'est cas il était dos à la rambarde, sinon il serait ventre à terre ou serait allongé de l'autre côté.

– Et Monokuma a parlé de meurtre. Pas d'autre chose.

– ... Monokuma ? »

L'Ultime Observateur relève les yeux, nous fait face sans son manteau habituel sur les épaules.

« Mademoiselle Delaporte a raison. J'ai parlé de meurtre, et je ne considérerai pas un suicide comme un « meurtre ». »

Tout le monde grimace, on est pas beaucoup mieux. On a toujours cinq suspects, cinq personnes qui auraient pu tuer Abel. Mais qui l'a fait ? Qui était où ?

Les questions se répètent. On tourne en rond, on piétine, on avance pas d'un centimètre.

« Tu es sûre qu'Abel était bien là ? »

« Est-ce qu'on peut vraiment croire ce qu'a dit Monokuma ? »

« Et si on se trompait ? »

« Comment il aurait pu se briser le cou comme ça ? »

« Et tu dis qu'il avait la cassette de qui ? »

« Attends tu peux recommencer ? »

Encore et encore, sans fin, sans s'arrêter, j'ai mal à la tête.

« Bon, on dirait qu'on va devoir faire autrement. »

Je me tourne vers Kozma, le mal de tête soudain absent.

Ces yeux dépareillés me fixent comme si j'étais leur moyen de s'amuser, un jouet. Un repas qu'il ne souhaite que dévorer sans lui laisser la moindre pitié.

« J'ai une idée de qui ça peut être. »

Son doigt se lève, presque comme un réflexe, comme dans les jeux d'enquête avec des avocats ou des gamins qui doivent résoudre des crimes.

Mais là, le doigt se pointe sur moi.

Puis se dirige sur quelqu'un d'autre et immobilise complètement Ringo.

« On a deux meurtriers. »

Observing End [LPM]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant