9

1K 135 212
                                    

Je suis super bougon.

Les deux heures de trajets en bus à subir pour rejoindre le Futuroscope auraient dû servir de prémices à ma tentative de draguer Lily et de grimper avec elle en haut de la Gyrotour. Mais voilà, je me retrouve six rangées derrière elle aux côtés de Fabio Valentini. La poisse, j'en ai presque envie de vomir.

J'enfonce mes écouteurs dans mes oreilles et lance ma playlist Lana Del Rey. La base, le top du top, à la fois sexy et dépressif. J'aimerais être sa femme. Incroyable.

L'épaule de Fabio vient se coller à la mienne. Je sens ses doigts se saisir d'un de mes écouteurs pour venir le déloger et le glisser dans son oreille.

Come take a walk on the wild side.

Let me kiss you hard in the pouring rain.

You like your girls insane.

(Born To Die, Lana Del Rey)

Je me tends. La honte. Lana arrête, ne révèle pas tout ça à l'ennemi. HELP.

Je ne coupe pourtant pas la musique. Elle défile pour nous deux.

Fabio finit par lâcher un petit rire :

— Lana à sept heures du matin, sérieux ?

Je lève les yeux au ciel.

— Dure journée, t'occupes.

Il me donne un coup d'épaule et chope mon portable pour venir découvrir ma playlist.

— J'vais finir le cœur brisé à cette allure.

— Si tant est que t'en as un, je le tacle.

Outch, touché. Il grimace et me rend mon téléphone tout en gardant mon écouteur. La mauvaise foi incarnée.

Il faut que je sois honnête : je ne vous ai pas tout dit à propos de Fabio Valentini. Ce n'est vraiment le crétin sexiste que j'ai insulté il y a trois semaines au milieu du terrain de basket. Enfin si, c'est lui, à 200 %. Mais, disons que nos rapports sont différents. Ce n'est pas juste qu'un crétin sexiste à insulter. Je ne saurais dire ce qu'il est d'autre, mais c'est le genre de personne avec qui je pourrais partager une playlist Lana Del Rey. Vous voyez ?

Non, vous ne voyez pas, car je ne vois pas non plus.

Nos parents habitent dans le même bled paumé, entre Nantes et Tours. Un village où personne n'aurait envie d'y passer les vacances. Pour y aller, c'est limite si on ne ressort pas les deux chevaux et la calèche tellement c'est vieillot. Je connais Fabio depuis qu'on a appris à marcher, et on a passé toute notre scolarité dans les mêmes établissements. Internats obligés. Autant vous dire que je côtoie ses cheveux bruns de surfeur et ses biscoteaux depuis une éternité. Avant Éva et, même, avant Corentin. C'est pour dire.

Alors je l'insulte en EPS, et puis à tous les autres divins moments qui m'en donnent l'occasion, mais je le laisse écouter Lana avec moi.

— T'as perdu tes potes ? je lui demande, plus pour le provoquer que par réel intérêt.

— Ils passent le week-end à Saint-Nazaire dans la maison secondaire de Titouan.

— Et toi, t'y es pas ?

Il hausse les épaules pour toute réponse. Ça me laisse dubitative.

Choose your last words, this is the last time.

— Ils ne t'ont pas invité, je conclue.

Il détourne son visage vers la vitre du bus. Dans le mille.

La Loi de la JungleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant