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     La sonnerie de mon réveil retentit bien trop tôt à mon goût ce matin. La courte nuit que j'ai passé m'assomme déjà. Je n'ai pas vraiment fait une nuit blanche, mais j'ai dû dormir deux heures au maximum.

Je rejoins le réfectoire pour prendre mon petit déjeuner avec empressement. Je sais qu'Adélie et Shainez ont mis une affiche à l'entrée pour compenser le fait que nous n'avions pas les clés de la cantine pour en coller à l'intérieur.

En arrivant, un groupe de première est en train de lire notre poster, « MON CORPS MON CHOIX » en chuchotant. Mon torse se gonfle de fierté lorsque je leur passe devant pour entrer dans le réfectoire. La journée s'annonce grandiose.

Pour ce jour des droits des femmes, j'ai sorti ma jupe à fleurs. Elle est longue, mais pas trop. Elle me fait de jolies formes, et cette information m'appartient. J'ai mis mon collant à ligne arrière et un chemisier de dentelles que je n'ose habituellement jamais porter. En ce 8 mars, j'ai envie de m'affirmer, sans prendre peur aux remarques que pourront me faire Kélyan et Titouan lorsque j'entrerai en classe tout à l'heure. C'est notre journée !

J'avale mes céréales avec énergie, la tête déjà loin. Je suis trop pressée d'aller au lycée pour admirer le reste de notre œuvre.

— Tu célèbres le printemps ?

Je lève la tête, la bouche pleine à craquer.

Fabio pose son plateau à côté du mien et s'installe comme si je l'y avais invité. Crétin.

J'engloutis ma bouchée avec difficulté.

— Pourquoi tu dis ça ?

— Le chemisier, les collants fins, les fleurs. Te voir comme ça me donne presque déjà des allergies.

— J'ai pas juste le droit de m'habiller joliment ?

Il me lorgne malicieusement.

— Tu célèbres un truc.

Je roule de yeux.

— C'est la journée des droits des femmes.

Nouveau regard douteux et sourire contrit.

— Mais ça ne change rien au fait que j'ai le droit de m'habiller comme je veux, tous les jours de l'année.

Il acquiesce en silence en avalant une tartine, mais le sourire qui se dessine peu à peu sur ses lèvres me gonfle déjà.

— Vas-y, crache le morceau, je le pousse. Qu'on en finisse.

— Je n'ai donc plus le droit de te dire que ça te fait de jolies formes ?

— Par pitié, ne dis plus jamais ça.

— Que ça te rend juste jolie ?

— Boucle-la vite ou tu vas finir le nez dans mon bol.

— Que tu es jolie, en ce jour des droits des femmes comme tous les autres jours de l'année.

J'envisage sérieusement une fuite par la course pour me sortir de ce pétrin. Ce mec m'angoisse.

— On est le 8 mars, Fabio, pas le 14 février. Garde ta drague pour un autre jour.

Sa tête se voute aussitôt entre ses épaules et je ne viens pas l'en sortir. Cette journée, c'est la mienne, qu'il regonfle sa confiance en lui tout seul.

En plus, je sais que je suis jolie, pas besoin de lui.

Je finis les dernières gouttes de mon lait et me lève pour nettoyer mon plateau.

— On se fait un ciné, bientôt ? il tente en dernier recours.

Je souffle sans cacher mon ennui.

— On verra.

La Loi de la JungleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant