J'ai passé la deuxième semaine des vacances d'hiver à embrasser Fabio Valentini. C'était vraiment marrant. Je venais chez lui ou il venait chez moi, on faisait les enfants sages devant nos parents puis on partait se rouler des pelles dans la chambre sous couvert de réviser le bac ou de jouer à la play. J'ai eu le droit à tous les goûts. Pizza champignons, lasagnes de Papa, pâtes au saumon, soupe aux poireaux. Tout y est passé et je ne m'en suis pas plaint car je ne devais pas être mieux. Ça aurait été Lily en face de moi, j'aurais fait un effort pour que nos baisers sentent la menthe poivrée, mais là ça n'en valait pas le coup.
Lorsqu'on ne s'embrassait pas, on insultait Gustave et on critiquait Kélyan et Titouan. C'était un peu le kiff de pouvoir clasher des mecs à nouveau avec quelqu'un, même si ce n'était pas Éva. J'avais l'impression d'être comprise. On a aussi écouté du Lana Del Rey pour nous enfermer dans notre bulle dépressive, et ça a sans doute joué à réparer nos cœurs brisés (la fameuse règle mathématique qui dit que moins et moins font plus).
Lorsqu'on a pris le train le dernier dimanche avant la rentrée pour retourner au bahut, je me sentais apaisée et prête à avoir la discussion qu'il faudrait avec Lily, et lui avait retrouvé sa carrure de lion. On n'avait pas encore décidé si on allait continuer nos échanges de salive au lycée, même si je pense que non. Le monde ne doit pas savoir que mon premier baiser a été partagé avec lui. La honte.
Corentin se doute de quelque chose. Il m'a cuisiné pendant une heure le samedi soir pour savoir pourquoi je mets Lana fort en fond sonore lorsque Fabio vient à la maison, et il nous a dévisagés d'un air malicieux sans se cacher dans le train. Je déteste ce mioche.
J'ai un peu le ventre noué en retrouvant ma chambre d'internat. Mes parents me manquent déjà, ma maison aussi. Maman a pris soin de remplir ma valise de protections hygiéniques. Il y en a même des lavables qu'elle a cousu elle-même à l'aide de sa machine à coudre. Elles sentent bon et sont toutes douces. Il y a même une culotte ! Je retrouve aussi, au milieu de tout ça, un taquet de préservatifs. Ça me met super mal à l'aise et je le planque direct au fond de mon placard. J'ai le réflexe bizarre de penser à Lily et à l'inutilité que ces préservatifs masculins auraient si on se retrouvait dans la situation sexuelle appropriée. Cela venait sûrement d'une bonne volonté de la part de Maman, je les passerai à Éva. Puis j'ai pensé à Fabio et au fait que Maman avait potentiellement compris quelque chose, et ça m'a donné la nausée. Je n'ai absolument pas envie de coucher avec Fabio, c'est hors de question, nos baisers sont l'ultime limite. C'est mon dernier mot sur la question, n'en déplaise au réalisme de mes fanfictions. Il faut que je me débarrasse de ce paquet.
— T'as passé de bonnes vacances ? me demande Éva en déposant un baiser sur ma joue.
Elle vient juste d'arriver à l'internat, mon moment de calme en solitaire prend donc fin. Ça me fout un petit coup au cœur de voir que le fait qu'on n'ait pas parlé durant les deux dernières semaines ne la choque en rien.
— Et toi ? je lui renvoie, détournant sa question.
— Au top ! Je t'ai ramené un souvenir du ski.
Elle me tend un minable porte-clés. Deux marmottes en train de s'embrasser. Je ne peux m'empêcher de pouffer.
— J'ai dû prendre genre cinq kilos à force de manger de la fondue et des gaufres. Un jour on ira à la montagne ensemble, c'est incroyable tu verras.
— Il y avait Bastien ? je lui demande.
— Non, juste mes parents. Il aurait dû dormir sur le canapé s'il était venu, t'imagines l'enfer.
Je n'en imagine rien. Je la vois alors dévisager avec insistance le fond de mon placard. Je ferme mes yeux de désespoir. Oh non.
— Agathe ! C'est quoi, ça ?
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La Loi de la Jungle
Teen FictionGRAND GAGNANT WATTYS FRANCE 2023 ✨ Au lycée privé Charles Darwin, la loi de la jungle fait régner l'ordre. Les lions au regard ténébreux n'ont qu'un désir : croquer les gazelles à pleines dents. Au milieu de cet environnement hostile, où l'adolescen...