La Loi de la Jungle

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    C'est la grande fête. Les dix-huit ans d'une Éva reine de son monde. Dans le contrôle, dans la majorité, survoltée.

J'ai toujours eu un goût pour les soirées, la danse, les rencontres inattendues. Un peu perdue au milieu de tout ce monde, on se fait peu remarquer. J'adore ça. Je porte mes bottines, ma jupe la plus festive, j'ai maquillé mes paupières et mes lèvres de couleurs les plus harmonieuses avant de coiffer mes cheveux en un chignon volant. Je suis prête, je suis jolie. Hermione qui débarque au bal de Noël dans Harry Potter et la Coupe de Feu.

On a lancé de la musique dans l'enceinte, un rap à la mode que je ne sais apprécier. Je ne comprends rien aux paroles et ça me fout la migraine. Je traîne dans un coin du salon avec Sophie, Camille, Shainez, Adélie et Lily. Elle porte une combi ce soir et a tout donné sur son maquillage. Highlighter, liner qui sublime la forme en amande de ses yeux, couleurs vives, paillettes sur les paupières, vernis éclatant. Et puis des talons qui étirent sa silhouette. Elle doit faire dix centimètres de plus que moi comme ça.

Honnêtement, la discussion qui anime le groupe me paraît lointaine tellement je me perds dans sa contemplation. Un ouragan frapperait la ville que je ne pourrais décrocher mon regard de cette meuf. Je succombe.

Bon, l'ouragan « Éva » finit quand même par m'emporter. Elle s'immisce dans le groupe, des bouteilles plein les bras.

— Bière, Coca, Ice Tea, limonade ? chantonne-t-elle en secouant les boissons sous nos nez.

On opte toutes pour un verre de Coca et on trinque fièrement ensemble en l'honneur de queen Éva et ses dix-huit ans.

Ça emporte l'assemblée d'invités qui se tient non loin dans le salon et on part sur une ola qui rend ma meilleure amie euphorique.

— Je déclare le concours de Mario Kart ouvert ! annonce-t-elle alors.

Avec Didier, son père, on a passé l'après-midi à tenter des branchements pour installer un rétroprojecteur qui retransmette l'écran de la Switch. Ça marche du tonnerre, on organise des équipes de quatre pour que tout le monde puisse jouer. Je ravale mon seum quand les filles décident de se mettre ensemble et que je me retrouve dans l'équipe d'Éva, Bastien et Leila (avec qui je fais semblant de bien m'entendre mais, qu'on soit honnête, je ne peux pas blairer). Ennemie de ma douce Lily, on aura tout vu.

— À nous deux, reine du liner, je m'emporte en m'installant à côté d'elle.

Fabio, qui fait équipe avec Kélyan, Titouan et Marylise, s'assoie à ma gauche. Je vais les éclater.

— Tu vas souffrir, impératrice de la bottine, me renvoie Lily.

Mon cœur joue un air de tambourin.

— Laissez le professionnel travailler, trouve intelligent d'ajouter Fabio.

Lily lui fait un doigt et Chloé, la quatrième joueuse, lui enfonce son coude dans les côtes. Quel tocard celui-là.

La course démarre. J'ai rarement autant maîtrisé un circuit. J'esquive les tortues et les peaux de banane, avance d'une aisance qui fait rager Camille et Kélyan. Ils hurlent aux oreilles de leurs champions comme si leur vie en dépendait.

— Prends l'étoile ! Prends l'étoile ! s'agace Camille.

— Mec double-là ! s'emporte Kélyan.

— Agathe trace ! m'encourage Bastien. Tu les défonces.

J'arrive première. Je balance mes cheveux en arrière à la manière d'une scène de film au ralenti avant de me lever du canapé avec classe et de les prendre de haut :