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La nuit du 7 au 8 mars, j'ai fait une nuit blanche.

Mon réveil sonne à 2h50. C'est une heure insultante pour se lever, surtout que je ne me suis pas endormie avant minuit à force d'imaginer la nuit qui nous attendait. Je sors pourtant au plus vite de mon lit. Il est l'heure, ça y est, l'excitation prend le dessus sur la fatigue, pas question de trainer.

Je sors de ma chambre, un gros pull couvrant ma chemise de nuit, prenant soin de ne pas réveiller Éva. Il me semble évident qu'elle a finalement décidé qu'elle ne nous suivrait pas dans notre révolution. Tant pis pour elle. Une révolutionnaire de perdue, dix de retrouvées comme doit sûrement le dire un proverbe.

Les filles sont déjà regroupées dans la chambre de Sophie et Lily et se répartissent les affiches. Elles ont l'air un peu déçues lorsque je leur avoue qu'Éva ne viendra pas.

— Avec les épreuves la semaine prochaine, elle a un peu paniqué, j'essaie de justifier en omettant que c'est surtout ma faute.

Elles acquiescent. Il est légitime de penser à ses études avant le reste.

— Bon, voilà le plan, nous annonce Sophie en chuchotant de peur qu'on nous surprenne. Adélie et Shainez vous vous occupez de poser vos affiches à l'entrée de l'internat, côté filles ET côté garçons, c'est important. N'oubliez pas les portes de la cantine. Lily et Agathe, vous faites le rez-de-chaussée du lycée et Camille et moi on s'occupe de l'étage. A quatre heures, maximum, il faut qu'on soit toutes de retour ici. J'ai peur qu'on se fasse voir si on traine trop. On y va ?

Nous nous faufilons dans les couloirs de l'internat doucement, portant encore nos pyjamas. Nous nous sommes dit que ça nous servirait d'alibi si on se fait prendre : on pourrait faire croire qu'on s'est perdue en cherchant les toilettes ou qu'on est un peu somnambules sur les bords. Personne n'ira chercher plus loin à trois heures du matin.

Nous nous séparons et je suis Lily. Nous traversons la cour qui sépare l'internat du bâtiment principal du lycée. La Lune ronde nous éclaire assez, je n'ai donc pas à allumer ma lampe frontale qui me donne une allure de taupe prête à creuser sa galerie. Lily marche vite à mes côtés, voulant traverser le terrain découvert qu'est la cour le plus rapidement possible. Je la sens sûre d'elle, c'est rassurant.

Nous longeons la rangée de platanes qui bordent le mur d'enceinte jusqu'à rejoindre la porte de l'aile D du lycée.

— On pourrait déjà en mettre une là, propose Lily en désignant la porte vitrée.

Elle déroule une des affiches que nous avons emportées et je dégaine mon rouleau de scotch, prête à en mettre une dose suffisante pour que le moindre coup de vent ne fasse pas disparaître nos œuvres. Je souris intérieurement lorsque nous plaquons sur la vitre l'affiche « SANG TABOU », une de mes préférées. Les lettres sont écrites en rouge vif et on y a dessiné une culotte tachée de sang. J'imagine déjà M. Hubert fermer les yeux en passant par là demain et Marylise prendre son air le plus écœuré.

Une fois bien scotchée, nous nous reculons pour aviser notre première tentative.

— Ça déchire ! s'extasie Lily en me tendant sa paume de main.

Je réponds à son check, c'est vrai que c'est canon.

Nous entrons enfin dans le lycée. J'allume ma lampe frontale pour qu'on n'ait pas besoin d'activer les néons. Il y aurait trop de risques qu'on remarque notre présence. Nous avançons d'un pas léger et décidons d'afficher notre deuxième poster sur la porte de la Vie Scolaire. Il s'agit cette fois du « Kit de survie pendant les règles » entouré d'illustrations représentant une bouillotte, du chocolat, une culotte, un plaid, le N rouge de Netflix, une tisane, des serviettes lavables, etc. Je n'ai pas encore eu le temps de tester ce kit, mais j'en ai presque hâte, on dirait la préparation d'un après-midi douillet pendant les vacances de Noël.

La Loi de la JungleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant