La Loi de la Jungle

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     Après le repas, je passe la soirée dans ma chambre, peu motivée à regarder pour la énième fois Jurassic Park en famille. Mes parents font comme si c'était normal et ont la gentillesse de ne pas le souligner. Pas comme Corentin qui vient m'embêter toutes les vingt minutes à coups de grand « GRRR GRRR, viens regarder les tyrannosaures avec nous, GRRR GRRR ». Les petits frères, c'est la plaie.

Il doit être dans les vingt-trois heures lorsque la porte de ma chambre s'ouvre à nouveau, me déconcentrant dans la confection de ma guirlande de petits champignons au crochet.

— Dégage ! je peste instinctivement, pensant avoir encore affaire à mon frère.

— C'est moi, me prévient alors Maman en entrant dans la pièce, les mains en l'air comme si je braquais un flingue sur elle.

Enroulée dans sa robe de chambre, elle vient s'asseoir sur le lit à côté de moi.

— Quelque chose te tracasse, ma puce.

Il n'y a aucun ton interrogatif dans sa phrase, elle énonce un fait que je n'essaie même pas d'ignorer. Je hausse les épaules en mettant de côté ma guirlande.

— Tiens, je t'ai rapporté ça du Pérou.

Maman me tend alors une petite pochette à bijoux, bien que je me doute que ce qu'elle renferme n'en est pas un. Ça n'est ni son style ni le mien. Je l'ouvre avec curiosité et, lorsque mes doigts se posent sur les roches qu'elle contient, je saute presque de joie.

— Maman ! je m'extasie.

— L'une provient d'un glissement, l'autre de la cordillère des Andes, m'explique-t-elle.

Je viens la couvrir de baisers avant d'aller les poser sur mon étagère, aux côtés des autres roches que j'ai ramassées ou que mes parents m'ont ramenées de leurs voyages. Ma petite collection personnelle.

— Tu sais ce qu'elles sont ? je demande en laissant mes doigts les parcourir.

— Je préfère te laisser chercher par toi-même, sourit Maman.

Elles sont magnifiques. L'une éclate de tons de verts qui me rappellent ceux de l'olivine que j'ai pu observer en TP de SVT avant les vacances. Une serpentine ? L'autre, plus brune, ne me dit absolument rien. Ça me fera une occupation sympathique pour les vacances.

Je viens rejoindre Maman sur le lit et replis mes jambes contre moi. J'ai l'impression d'avoir grandi depuis la dernière fois qu'on s'est vues.

— J'ai eu mes premières règles le mois dernier, je lui avoue alors.

J'ose lever mon regard vers le sien. Il est doux et à l'écoute, à l'image de Maman.

— Je suis désolée de ne pas avoir été là pour vivre ça avec toi, ma puce. Comment ça s'est passé ?

— Moyen.

Comme elle attend que j'en dise plus, je lui raconte. La fuite en cours de sport, la culotte de Lily, les remarques des garçons, l'infirmière qui ne me donne qu'un paquet de serviettes pour toute la semaine, et puis ma mauvaise humeur.

— Avant que tu ne repartes, on va passer au supermarché acheter de quoi tenir jusqu'aux prochaines vacances, d'accord ? me propose-t-elle.

J'acquiesce. C'est rassurant de savoir que je n'aurais plus à rationner mes serviettes.

— Et pour les remarques qu'on me fait ?

Maman se rapproche de moi, passe son bras autour de mes épaules et embrasse ma tempe.

— Tu veux que j'écrive un mot au Proviseur ?

— Jamais ! Ce serait la honte.

— Alors assure-toi de faire comprendre à ces garçons qu'on n'embête pas Agathe Legrand.