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Évidemment, quand on est Agathe Legrand, la marginale assumée la plus connue du lycée, les nouvelles et rumeurs autour de vous vont vite, trop vite.

Lundi. 13 h. Passage au réfectoire fait. Tout le monde est au courant que je suis...

- ... devenue une femme ! ricane Kélyan en entrant dans la salle d'anglais. Il était temps.

- Ta gueule, tu vas l'irriter, s'amuse Titouan.

Je leur passe devant, mon regard noir les exécutant, pour venir m'asseoir à ma place attitrée : carré du milieu, entre Éva et Bastien, parfaite vue sur Lily (table avant droite).

- C'est vrai ? me glisse Éva en s'installant à côté de moi. Ça va ?

Ça se veut discret, dévoilée comme un secret entre copines qu'il faut se raconter. Elle pose sa main sur mon avant-bras comme pour me rassurer. « Ne t'en fais pas, je suis là, j'ai connu ça moi aussi ». Mais ça m'agace. C'est égoïste, ça sonne comme un « ma pauvre, si tardivement, comme ton adolescence a dû être compliquée. Bienvenue dans le groupe, maintenant, tu vas pouvoir en chier ».

Le monde à lui seul me met en colère. Mes hormones bouillonnent.

Je retire mon bras de l'emprise de mon amie. Car oui, Éva est ma pote. On ne dirait pas, mais je l'aime. Et sa main sur mon avant-bras, ça aurait pu être tendre et reposant, mais là, maintenant, ça me fout en rage.

Autour de nous, la troupe de lions en chaleur rode. Ils s'installent pour le cours, qui ne met pas longtemps à débuter. Je sais qu'ils me regardent tous, que le message est passé. D'oreille curieuse à oreille curieuse. Des SMS ont dû être envoyés, des stories Insta postées. Agathe Legrand a encore fait parler d'elle. Bordel, la semaine commence mal. Mais je suis d'une humeur si massacrante qu'il n'est pas question de venir m'emmerder aujourd'hui.

Au milieu de toutes mes hormones en ébullition, prêtes à décimer toute vie à des kilomètres à la ronde comme une coulée de lave, mon regard s'attarde sur Lily, concentrée sur son exercice d'anglais. Ses longs cheveux raides lui tombent sur les épaules, ses lèvres s'entrouvrent de concentration, ses jambes sont croisées. Jambes si longues, si sensuelles. Elle secoue son pied nerveusement, sa cheville nue visible par l'ourlet de son pantalon. Moulant, taille haute. Un pli est formé entre sa cuisse et sa hanche.

- Meuf, t'as réussi à traduire la fin du paragraphe ?

- Hum.

Je tends mon exercice terminé à Éva par pur mécanisme.

Je porte la culotte de Lily. Merde.

Cette information me revient dangereusement alors que je suis déjà en pleine admiration pour cette fille à l'allure si sexy. Une petite boule de feu explose dans mon bas ventre. C'est certain, si elle me fait cet effet-là en m'offrant autant d'indifférence, le jour où elle m'embrasse, je ne pourrais survire. J'ai chaud aux joues, dans ma tête c'est la foire aux pensées olé olé. J'en ai presque honte. Si elle apprenait que je fantasme complètement sur elle, elle me fuirait comme la peste.

J'ai un faible pour Lily depuis la rentrée. Le genre de coup de foudre qui fait chavirer. Avant, c'était une fille que je n'avais jamais trop captée. On était dans des classes différentes, dans des groupes d'amis éloignés. Puis l'année de terminale est arrivée. Même classe, mêmes options, même couloir à l'internat. J'ai découvert ses traits de liner dignes d'une maquilleuse hollywoodienne, son rire sonore quand je débite une connerie, son léger décolleté les jours ensoleillés. Honnêtement, qui ne chavirerait pas ?

Je ne l'ai avoué à personne, pas même à Éva. Elle l'aurait raconté à Bastien, qui l'aurait dit à Hugo, puis tout le lycée aurait été encore au courant de mes états d'âme.

Quand je dis que Darwin est une jungle. Une seule faiblesse et elle vous mange tout cru. Mon cœur doit rester verrouillé, même si ce qu'il se passe dans ma culotte a été dévoilé. Pas le choix, quand Fabio Valentini est mêlé à mes histoires, je finis toujours à la cocotte.

Ce lundi est long comme c'est peu permis et 17 h arrive comme un rayon de soleil un 21 décembre. Je souffle un coup et m'empresse de rejoindre le bâtiment de l'internat où les résidents à l'année ont étude jusqu'à 18h30. Je vais pouvoir respirer pour la soirée.

Quand j'ouvre la porte, un groupe de mecs étalés sur les canapés du hall me reluquent. Ça chuchote, ça ricane.

Je ravale ma salive et ma joie de fin de journée. Instinctivement, je baisse la tête et trace ma route.

On ne m'a jamais reluquée de ma vie. Je n'ai sans doute jamais été désirée par personne. J'ai une poitrine inexistante, des fesses à peine visibles à la loupe. Un corps plat, maigre, comme une poupée étirée en longueur qu'on aurait oublié de remplir de mousse. Clairement le gros complexe de mon existence. Certaines filles en sont jalouses, moi je pourrais en pleurer si je n'avais pas décidé que je ne me laisserais pas détruire par la génétique et ses folies. Je mange comme une femme enceinte à terme sans prendre un gramme. C'est limite si, au contraire, je n'en perds pas. Fringale de chips au vinaigre à trois heures du mat' et festin de fraises en plein mois de janvier. Sorry l'écologie, mais faut manger pour être sexy.

Mais, aujourd'hui, pour la première fois, j'ai l'impression que quelque chose a changé. Les regards sur moi sont différents. Il y a de la curiosité, comme si j'étais réévaluée. Le produit au fond du supermarché jamais touché mais qui, en faisant parler de lui sur TikTok, a appâté les foules.

Dans mon dos, j'entends un sifflement. C'est ce crétin de Kélyan. Fabio ricane. Et mon souffle se coupe. C'est quoi, ça ?

- Tu devrais penser à adopter des jupes plus courtes, ça t'irait à ravir.

Nouveau ricanement général. Hochements de tête validant les propos.

Instinctivement, je lisse les plis de ma jupe et vérifie qu'elle ne s'est pas coincée dans mon collant et que la culotte de Lily est visible à tous. RAS, tout est à sa place. Sans me retourner et considérer le groupe de mecs sur les canapés, je grimpe les escaliers quatre à quatre pour rejoindre l'aile de l'internat pour filles. Le couloir des terminales se trouve au troisième étage.

En arrivant dans la chambre que je partage avec Éva, j'ai encore le cœur qui tambourine entre mes côtes. Mon regard vide se pose derrière la fenêtre qui donne sur le parc de l'école. Le soleil s'est tiré, la nuit froide s'est installée.

C'est donc ça, être une femme ? Dix-sept ans et voilà que je le ressens pour la première fois. Il aura fallu que j'aie mes règles et que l'entièreté de l'Amazonie lycéenne le sache pour que je sois sexualisée. Et pas de la plus romantique des manières. J'en ai presque la nausée. Je me suis rarement sentie aussi vulnérable.

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Premières règles, un début de harcèlement peu sympatoch au lycée, on peut dire que l'histoire commence en douceur non ? ... 🌴

Vous aussi, votre jupe est déjà restée relevée, coincée dans le collant ? Perso, c'est une des raisons qui font que j'ai banni les jupes de mon style vestimentaire à tout jamais (j'exagère) 😭😂 (smiley qui rit pour adoucir la tristesse de ces propos youh)

Je voulais vous remercier très fort pour l'accueil que vous avez fait au premier chapitre mercredi, j'aurais jamais pensé vous revoir si nombreux 🥰🧡

J'espère que ce chapitre 2 vous aura plu, on se retrouve mercredi !

(PS : je suis dans le même mood qu'Agathe aujourd'hui, c'est la fiesta youhouu😪)

La Loi de la JungleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant