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    La salle d'étude des filles de l'internat de Charles Darwin et Pompidou connaît une crise de la plus haute importance mardi soir. Lily Leroy a annoncé à Gustave le Dunkerquois qu'elle allait le quitter, et cet abruti lui a fait du chantage : si elle fait ça, il laisse fuiter les sexto qu'elle lui envoyait alors qu'elle était encore avec Timothy, l'été dernier. La majorité des filles de terminale sont entassées autour d'elle dans la salle. Amina a abandonné depuis de bonnes minutes l'idée qu'on travaille ce soir et participe même activement à sortir Lily de cette impasse.

— C'est du chantage, ne lui donne pas raison ! s'exclame haut et fort Leila. Il est désespéré et prêt à tout pour te garder, mais il ne le fera pas.

— C'est clair, il n'a pas les tripes, confirme une fille de ma classe.

— Les mecs, tous les mêmes ! s'emporte une autre. On peut pas leur faire confiance.

— T'as pas quelque chose de compromettant sur lui avec quoi tu pourrais le menacer ? Comme avec les bombes nucléaires, si les deux camps ont en une, ça dissuadera tout le monde de la lâcher en premier.

Lily secoue la tête.

— Je ne veux pas tomber aussi bas que lui.

Elle est toujours scotchée à son téléphone, ouvert sur sa conversation avec Gustave. Les filles autour dissertent sur ce qu'il y aurait de mieux à faire ou non, mais rien ne semble la satisfaire.

Je reste un peu en retrait et les observe sans prendre parti. Je ne saurai pas comment conseiller Lily. Je n'ai jamais été dans sa situation, je ne me suis jamais fait trahir par mes ex, vu que je n'en ai jamais eu, et je n'ai de ce fait jamais eu à gérer plusieurs relations en même temps. Je sais que certaines personnes ont été sévères avec elle à ce sujet, qu'on l'a traitée de tous les noms pour avoir trompé Timothy, et j'admire le fait qu'elle soit restée forte. Car la vérité c'est qu'elle a le droit de faire ce qu'elle veut. Et que non, sa relation avec Timothy n'était pas le grand amour et qu'ils s'envoyaient à peine un texto tous les deux jours pendant les grandes vacances. Et que oui, elle avait bien aimé traîner avec Gustave lors de son séjour au bord de la Manche. Elle s'était sentie plus entourée par lui que par l'autre. Mais Timothy, qui n'en avait pourtant rien à carrer d'elle, a trouvé malin de se cacher derrière la place de parfaite victime pour ranger les gens de son côté lors de leur rupture. Sérieusement, y en a-t-il au moins un qui est capable d'accepter qu'on puisse le larguer sans que son égo n'en soit abimé au point d'avoir besoin de se venger ? Alors non, dévoiler des sexto confidentiels ne donnera pas envie à Lily de changer d'avis, les red flags vont seulement être décuplés.

Le problème avec la situation dans laquelle Lily s'est fourré, c'est que si elle contre-attaque, elle tombe aussi bas que les menaces de Gustave, et si elle ne fait rien, elle lui laisse le droit de prendre le dessus. Timothy va profiter de l'occasion, et le nom de Lily sera très vite associé à des mots tels que « pute » et « salope » si facilement utilisés pour désigner des filles qui font ce qui leur plaît.

Je plonge mes yeux sur l'écran de mon téléphone. Une lectrice m'a proposé de lire une de ses fanfictions, ce que j'ai commencé à faire. Mais je suis écœurée ce soir, par ce que je découvre, par ce que je vois avec Lily, par ce que j'entends. Sa fanfiction me dégoûte. Il est encore question de baisers non consentis, d'enemies to lovers où la violence est banalisée, la sexualisation ambiante mal traitée. Rien n'est réaliste, c'est bourré de clichés et d'hétérosexualité où Hermione devient objet, puis d'homosexualité dans le seul but d'émoustiller les midinettes. Ça ne va pas du tout. Je sais que j'ai pu écrire de ça dans le passé, car ça me faisait rire, que c'était excitant, que ça attirait les lecteurs. Mais je refuse de lire et participer encore à la construction de ces schémas problématiques. Il faut arrêter de normaliser ces scènes sous couvert de romance et sentiments.

La Loi de la JungleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant