Le Chant du Loriot

Chapitre 1 [Bonjour, Lua]

Lua ouvrit les yeux à 7 heures précises, s'étira et attrapa par réflexe son Tech'let sur la table de chevet. Ce dernier s'activa au contact de sa peau. Un texte défila :

Nous sommes le mardi 4 juillet... Météo du jour : soleil, prévoir les vêtements de 20°... Le BADGE vous souhaite une bonne journée...

Elle quitta son lit, ouvrit l'armoire et saisit un T-shirt clair assorti à un pantacourt léger. La tenue obligatoire des 20°. Une fois habillée, elle mit un peu d'ordre dans sa crinière en y figeant deux barrettes et rejoignit ses parents autour de la table de la cuisine. Sa mère l'interpella aussitôt :

— C'est le jour de la visite médicale. Tu n'as pas oublié ?

— Non, maman. Ne t'inquiète pas.

Elle avala d'un trait son jus d'orange. Aucun goût, comme d'habitude. Depuis le décret interdisant les aliments naturels, les papilles des hommes étaient mortes de stérilité sur leur langue. Lua n'avait jamais connu l'époque où les fruits provenaient d'arbres et les légumes de la terre. Tant mieux, dans un sens. Son père leur faisait souvent un laïus sur la douceur des temps passés.

Ophélie Bell, la mère de Lua, lui demanda :

— Tu peux réveiller Yun ?

— Bien sûr.

Lua entra dans la plus petite chambre de la maison – la plus sombre aussi, avec des étoiles lumineuses sur les murs et le plafond. Yun avait peur de l'obscurité. Il avait peur de beaucoup de choses. Sa grande sœur s'avança jusqu'au lit, un cocon blanc suspendu à soixante centimètres du sol, et secoua la forme assoupie.

— Yun, c'est l'heure.

Le garçon se tourna et ouvrit ses yeux, noirs comme la suie. Une caractéristique qu'il partageait avec son père et sa sœur.

— Fiche-moi la paix, Luby.

— Moi aussi je suis contente de te voir, Yun, ironisa-t-elle.

Tous deux partageaient cette relation typique aux frères et sœurs qui s'entendaient à merveille : ils se détestaient mutuellement.

— On va chez le médecin, aujourd'hui.

— Encore ?

— C'est la visite annuelle.

Il sauta hors du lit et ouvrit l'armoire avant de se rappeler qu'il avait besoin de son Tech'let pour savoir quelle tenue choisir.

— Dégage de là, Luby !

À travers la porte, elle l'entendit enfiler ses vêtements. Ils rejoignirent ensuite leurs parents pour finir le petit déjeuner.

Une fois le repas terminé, tous quatre sortirent de la maison. Oreste Bell, le père, sélectionna une icône sur son Tech'let. Une Perle se matérialisa un mètre devant lui.

— Allez, tout le monde à l'intérieur !

Frère et sœur traversèrent la paroi de verre et s'installèrent à même le sol. Oreste et Ophélie s'assirent au sommet de la Bulle transparente, choisirent leur lieu d'atterrissage et s'accrochèrent. Le véhicule s'éleva sans la moindre secousse et s'élança dans la direction voulue. En moins d'une minute, ils étaient arrivés devant le cabinet du docteur Winrey. Ils entrèrent et échangèrent quelques mots avec le secrétaire, qui les invita à patienter. Yun s'agita sur sa chaise et se leva bientôt pour explorer la vaste pièce envahie par les plantes artificielles. Il ne tenait pas en place. Lua avait appuyé sur l'icône message de son Tech'let et échangeait avec Loanne, sa meilleure amie. Les textes étaient visibles par tous. Au fil des ans, ils avaient perdu toute forme de vie privée.