Deux jours plus tard, Lua avait retrouvé son train-train quotidien : les repas, l'école, les devoirs, le sommeil. Neyunne restait en observation à l'hôpital : elle lui rendait visite une heure par jour, sous la surveillance de ses parents.
La nouveauté, c'était la préparation des noces. Celles-ci devaient avoir lieu trois semaines plus tard. Il fallait prévenir le maire, réserver la mairie, envoyer des messages à la famille, aux amis, s'assurer qu'ils étaient bien disponibles. Si les Melritch s'occupèrent de la plupart des démarches, les Bell se révélèrent des négociateurs féroces. Surtout Ophélie. Elle tenait à ce que tous se libèrent le samedi – hors de question de gâcher un dimanche supplémentaire. Bien plus, elle souhaitait que les Melritch jouent de leur influence pour dégoter la maison parfaite du futur couple. Autant viser haut, affirmait-elle. Lua la laissait faire. Elle n'avait plus le courage de s'opposer. Elle se sentait vide, un peu démoralisée. Elle ne retrouvait sa bonne humeur qu'aux côtés de son frère. Sans lui, c'était une autre ambiance. Tendue, pesante.
Le mardi matin, elle reçut sa convocation pour l'examen onirique qui aurait lieu le lendemain. Elle se rappela alors qu'elle aurait dix-huit ans dans vingt-quatre heures. Elle avait complètement oublié.
Si le rêve était le Mal, tous les nouveaux adultes passaient un test, précisément pour savoir s'ils savaient résister à ses assauts. Les plus faibles étaient réveillés au cœur de la session, les plus forts intégraient les Chasserêves. Le but était de tenir en respect les songes peuplés de Dissidents afin qu'ils n'envahissent jamais la réalité – le Bien.
Lua ne rêvait que d'une vie ordinaire, dans son futur foyer, avec son futur mari. Avoir un métier normal, fonder une famille. Les études de Chasserêve ne l'intéressaient pas. Elle ne connaissait qu'un Chasserêve dans son entourage : Koran, le grand frère de Loanne. Il avait suivi la formation, qui durait six mois, et avait choisi de devenir instructeur. Ils en discutaient parfois, le matin, en attendant que Loanne soit prête.
Mercredi matin, jour de ses dix-huit ans. Lua se réveilla à l'heure prévue, mangea son petit déjeuner en lisant sa convocation. Elle ressentait un léger frisson d'appréhension. Pour la première fois, elle allait mettre les pieds dans le BADGE. Elle se demanda combien de personnes passaient l'examen par jour. Beaucoup, sans doute, puisque tout le pays était concerné. Il n'y avait qu'un seul BADGE pour un millier de cités.
Oreste l'informa :
— Yun devrait rentrer ce soir.
— C'est vrai ?
— Oui. Il réagit bien à sa greffe et il se rétablit rapidement.
— Génial !
Cette nouvelle illumina sa journée. Elle allait le passer, ce maudit test, sans s'infliger la moindre pression – c'était un examen, mais qu'elle ne désirait pas réussir. Ensuite, elle passerait la soirée avec son frère. Et s'il lui posait des questions, elle répondrait, se promit-elle.
— Tu n'ouvres pas tes cadeaux ?
« Ah, oui. C'est mon anniversaire. » Deux cadeaux l'attendaient : une nouvelle fonction sur son Tech'let et une petite boîte envoyée par le BADGE. Souhaitant garder la surprise pour la fin, elle ouvrit sa nouvelle fonction : la Perle. Maintenant, elle pouvait circuler librement et rapidement d'un lieu à l'autre. Il lui tardait de la tester en se rendant à son examen onirique. Ensuite, elle ouvrit la boîte.
À l'intérieur, deux barrettes. Ce n'était pas la première fois que le BADGE lui envoyait ce présent. Elle en avait reçu à l'âge de cinq ans et les mettait tous les jours. Les nouvelles étaient dorées et effilées – comme le bec d'un oiseau. Elle ôta les vieilles et glissa les autres dans sa chevelure.
![](https://img.wattpad.com/cover/339143273-288-k876472.jpg)
VOUS LISEZ
Le Chant du Loriot
Ciencia FicciónDans la société régie par le BADGE (Bâtiment de l'Administration Générale), le rêve a été décrété ennemi absolu et les vies des habitants sont contrôlées par une puce figée dans leurs cous et par un bracelet électronique, nommé Tech'let, accessoire...