Chapitre 4 [Je te suis depuis ta naissance]

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Un silence de plomb pesait sur le groupe. Rageur, Eurystée tournait comme un lion en cage. Il avait abandonné son masque rieur pour une mine grise. Ayis et Liktor le regardaient. Mélodie, de son côté, s'était assise sur un tabouret et sirotait paisiblement un jus factice.

— Nous sommes un groupe, Mélodie ! s'écria finalement Eurystée. Tu ne peux pas nous imposer tes décisions comme ça !

Liktor comprenait son comportement. Son ami se sentait trahi par la femme qui le fascinait depuis des mois.

— Tu aurais refusé de toute façon, riposta-t-elle. Alors autant utiliser la force.

— Ce bar est à moi. Elle ne mettra pas le nez sous mon toit.

— Même si son tuteur arrête de l'observer ?

— Même. On ne peut pas faire confiance à ces gens.

— Et pourtant, tu devrais ouvrir un peu ton esprit. Réfléchis. Vous avez signé une trêve d'une semaine, ce qui correspond à un mois et demi dans leur monde. Autant en profiter pour se faire des alliés, tu ne penses pas ? Lua peut être celle qui vous ouvrira un peu au monde extérieur. Si vous réussissez à la convaincre, elle pourra même vous fournir des informations sur les Chasserêves. Comme un agent double, en quelque sorte. Il suffit parfois de pas grand-chose pour transformer un inconvénient en avantage.

— C'est une apprentie Chasserêve. Elle ne trahira jamais les siens.

— Elle l'est devenue par accident. De plus...

Elle se tourna vers Liktor, lequel déglutit péniblement.

— Ils se connaissent déjà, tous les deux. Cela peut favoriser le processus. Il ne tient qu'à vous de devenir ses amis pendant les prochains jours. Et pour finir, Lua et moi sommes liées l'une à l'autre. Plus elle maîtrisera ses rêves, et plus je deviendrai forte.

— Pourquoi êtes-vous liées ? questionna Ayis.

— Elle l'ignore encore, mais je suis sa grande sœur. Surtout, ne lui répétez pas. Je veux qu'elle l'apprenne de la bouche de nos parents, pas des vôtres.

Les yeux s'écarquillèrent suite à cette déclaration. Ayis balbutia :

— Mais... comment ?

— C'est une longue histoire et nous manquons de temps. Avez-vous enseigné les bases de la téléportation à Liktor, comme je vous l'avais demandé ?

— Nous venions de commencer lorsque tu as fait irruption, grommela Eurystée.

— Alors je prends le relais.

Liktor, qui l'observait depuis le début de la conversation, trépigna d'impatience. Il se demandait de quoi elle était capable.

— Entrons immédiatement dans le vif du sujet. On va simuler un combat entre toi et Melwire. Tu vas fuir, et moi je vais essayer de t'attraper.

— Mais je ne me suis encore jamais téléporté et...

— Je te laisse dix secondes d'avance.

Voyant que la jeune femme s'était muée en redoutable instructrice, il n'osa plus faire le moindre commentaire, souffla longuement et dessina cinq cercles dans son esprit. Ne connaissant aucune gamme circulaire, il laissa le hasard décider des motifs. Il ressentit un léger vertige et disparut. Sa première téléportation.

Il arriva dans un Multivers aquatique, peuplé de poissons-lanternes. Il perdit une seconde à s'adapter à son environnement, une deuxième à essayer de respirer, une troisième à tousser, une quatrième pour se téléporter de nouveau.

Le Chant du LoriotOù les histoires vivent. Découvrez maintenant