Le Chant du Loriot

Chapitre 10 [Ta candeur te perdra]

Conscients de la menace qui pesait sur eux, les Dissidents avaient créé un vaste dôme sous lequel ils s'étaient tous réunis. Reboot avait été formel : pas de dispersion tant que la situation ne s'était pas stabilisée. Chacun était assis dans un coin, seul ou en groupe, et passait le temps comme il le pouvait. Seule consigne : ne pas gâcher son capital onirique.

Liktor, Ayis et Eurystée s'occupaient en discutant, en chantant ou en jouant aux cartes. Ils essayaient de chasser leur angoisse et de dissiper l'ambiance morose qui régnait depuis plusieurs heures : en vain.

— Je me demande où est Mélodie... lâcha Liktor.

— Comme le duel est terminé et que Lua ne vient plus, je pense qu'elle se repose un peu, expliqua Eurystée. Elle était bien plus fatiguée qu'elle ne voulait l'admettre.

— Si seulement elle pouvait nous aider... Son capital onirique n'est pas limité, au moins...

Ayis, qui supportait mal cette tension, s'exclama :

— Bon, on cesse de se morfondre ! Ce sont peut-être les derniers instants de nos vies, alors autant en profiter un peu !

— Et tu comptes faire quoi ? demanda Liktor.

— Un concert improvisé, ça vous dit ?

— Sans instruments ?

— On peut bien puiser un tout petit peu dans nos réserves !

— Je vous le déconseille.

Ils se retournèrent d'un même mouvement pour voir arriver la personne qui venait de prononcer ces mots. Lua. Avec son Tech'let, et surtout avec sa puce, preuve qu'elle l'avait arrachée et que les Chasserêves l'avaient réinstallée, l'emprisonnant ainsi à Onivers. Liktor écarta les paupières avant de sourire. Elle avait choisi, elle avait écouté son cœur et non les injonctions du BADGE.

— La bataille de ce matin, ce n'était qu'un prélude. Ils vont revenir.

— C'est normal, répliqua Eurystée. On dépasse le quota habituel de treize personnes... enfin, quatorze, maintenant.

— Non, c'est différent. Au BADGE, ils sont sur le pied de guerre, je l'ai vu de mes propres yeux. Ils comptent vous éliminer jusqu'au dernier. Mener une opération de grande envergure pour écraser durablement la Dissidence. Vous allez tous mourir.

Un silence succéda à ses paroles. Ayis ironisa :

— Et tu es venue exprès pour nous annoncer cette bonne nouvelle ?

— Non. Je suis venue vous aider, vous sortir de cette boucle infernale pendant qu'il en est encore temps.

Liktor remarqua que Lua avait changé. Auparavant timide, discrète et à l'écart des conversations, elle n'hésitait plus à affirmer ses idées. L'enjeu était trop important. Cependant, il apprécia cette volte-face. Elle les avait choisis.

— Et pourquoi devrions-nous t'écouter ? grommela Eurystée. Tu portes ton Tech'let... Aussi bien, ils nous regardent en ce moment même !

— Mon Tech'let ? s'étonna-t-elle.

Elle semblait découvrir sa présence, aussi balbutia-t-elle :

— Je ne sais pas pourquoi il est là... Alors qu'ils m'ont remis la puce... Dans l'effervescence, les combats à préparer, ils ont dû l'oublier.

Eurystée secoua la tête et contre-attaqua :

— Tu fais partie des Chasserêves !

— Apprentie Chasserêve ! corrigea Liktor.