Chapitre 9 [Le sauras-tu ?]

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Tôt dans la matinée, des coups résonnèrent à la porte. Lua, qui n'avait pas dormi de la nuit, se redressa difficilement et ouvrit. Elle reconnut le visage de son frère et remarqua ses profonds cernes.

— Je peux entrer, Luby ?

— Bien sûr.

Il monta dans le cocon et s'assit contre le mur. Lua l'imita.

— Tout va bien, Yun ?

— Je te retourne la question.

Elle secoua la tête pour chasser ses mauvaises pensées et composa un sourire de façade.

— Je me sens un peu perdue, en ce moment... La formation est beaucoup plus difficile que je ne le pensais. Mais ça va, je tiens le choc.

— Tu as dormi, cette nuit ?

— Je passe toutes mes journées à dormir ! J'ai pensé que, pour une fois, je pouvais m'accorder une nuit blanche.

— Et qu'est-ce que tu as fait ?

— Pas grand-chose... J'ai beaucoup réfléchi. J'avais besoin de faire le point.

Elle serra dans sa main le galet qu'elle avait retrouvé dans son tiroir.

— C'est... ?

— Oui, c'est le galet que tu m'as offert, il y a huit ans. Je l'ai retrouvé.

— J'avais complètement oublié...

— Pas moi. Cette journée, elle est restée gravée dans mon esprit. Quand je me sens découragée, je me la remémore et ça va tout de suite mieux.

Il se tut quelques instants. Sa sœur en profita pour lui demander :

— Et toi, pourquoi viens-tu frapper chez moi à 4 heures du matin ?

— C'est parce que... juste parce que...

— Tu peux me parler, tu sais. Je ne vais pas te manger !

— Je me suis réveillé à cause d'une quinte de toux. Elle est passée, maintenant, les médicaments continuent à faire de l'effet. Mais... j'ai senti une douleur nouvelle. Je crois que... Je crois bien que je n'en ai plus pour très longtemps.

Des larmes perlèrent à ses yeux.

— Je suis désolé, Luby... Je t'avais dit que je tiendrais plusieurs mois, mais je crois que mon corps arrive à ses limites...

— Il n'y a aucun moyen d'empêcher ça ?

— À moins de trouver des poumons compatibles, non... Et ça peut prendre des années... La dernière fois qu'on est allés chez le médecin, il était plutôt optimiste : il disait que j'avais bien supporté la greffe... Mais je crois qu'il m'a caché la vérité pour me protéger. Je ne veux plus qu'on me mente, je veux savoir quand je vais mourir : comme ça, je pourrai profiter de tous les instants... Parce que ce seront les derniers...

Lua sentit une pointe se figer dans son cœur, y tracer des plaies incurables. Elle eut un haut-le-cœur et serra le galet. Toujours plus fort.

— Yun, je suis désolée...

— Mais pourquoi ?

— Parce que j'ai été... J'ai été une mauvaise grande sœur... Je n'ai jamais été capable de répondre à tes questions, de te rassurer sur ton sort ; je n'ai jamais été capable de regarder la vérité en face, d'accepter ta maladie, parce pour moi, tu es mon petit frère ; et il est inconcevable que mon petit frère parte avant moi... Je suis égoïste, si égoïste... En croyant te protéger, tout ce que j'ai fait, c'est essayer de me protéger moi, et ça n'a servi à rien ! Rien, à part nous faire encore plus de mal ! Je suis pitoyable, n'est-ce pas ? Dis-le, que je suis pitoyable !

Le Chant du LoriotOù les histoires vivent. Découvrez maintenant