Chapitre 3 [Vis, je t'en supplie !]

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Livia attendit que son père descende de la Perle pour détruire son Tech'let. D'un commun accord, ils avaient décidé de se rapprocher des Dissidents avant d'anéantir l'objet qui risquait de les trahir. S'ils l'avaient fait plus tôt, ils auraient couru le risque de ne jamais retrouver Ayis et les siens. Arrivés au beau milieu d'une forêt artificielle, ils marchèrent en direction des voix qu'ils percevaient au loin.

Ils débouchèrent au milieu d'une clairière partiellement aménagée avec les objets que les Dissidents avaient pu rassembler ou voler dans les pavillons voisins. Beaucoup de couvertures, nota Eurystée. Ayis avait le sens des priorités. Il chercha son ami du regard et remarqua que tous avaient des mines défaites, marquées par les récents événements. Peut-être auraient-ils préféré mourir en se battant à Onivers plutôt que fuir dans une réalité tout aussi cruelle. D'autant que l'issue était la même.

Enfin il aperçut Ayis, les yeux clos, assis contre un tronc. Ses traits trahissaient une grande fatigue. Crapahuter dans les bois, ce n'était plus de son âge, d'autant plus qu'il devait s'habituer à un corps quarante ans plus vieux que celui qu'il avait à Onivers. Eurystée s'approcha discrètement de lui, s'agenouilla et le secoua doucement.

— Salut, Ayis.

Son visage s'illumina quand il reconnut son ami.

— Eurystée ! Tu n'imagines pas à quel point je suis heureux de te voir. J'ai cru que... Enfin, j'ai pensé qu'ils t'avaient eu, vu que tu ne nous as pas suivis.

— J'ai eu le temps de détaler.

— Et Liktor ?

Ses yeux pétillaient d'espoir. Eurystée voulut lui cacher la vérité, mais Ayis le connaissait depuis trop longtemps. Il devina instantanément ce qu'il avait en tête.

— N'essaie pas de me ménager. Il est mort, n'est-ce pas ? Dire qu'il avait à peine vingt ans... Les Chasserêves n'ont aucune pitié.

Mal à l'aise, il chercha à changer de sujet, avisa Livia et demanda :

— C'est ta fille ?

— Oui. Ayis, je te présente Livia.

— C'est un honneur. Tous les deux, soyez les bienvenus en enfer !

Ils échangèrent les dernières nouvelles qui, dans l'ensemble, étaient très sombres. Eurystée évoqua son entrevue avec Lua, affirma qu'elle n'avait rien à voir avec la déroute et que, au contraire, elle avait peut-être la solution pour qu'ils s'en sortent.

— La balise GPS est dans la digite du pouce. Si on réussit tous à l'extraire, on devrait pouvoir filer...

— Est-ce qu'on peut encore lui faire confiance ? Je veux dire... Toute cette situation, c'est un peu sa faute, non ?

— Si tu l'avais vue, tu ne dirais pas ça. Ayis, tu sais à quel point je me méfiais d'elle... Mais je peux t'affirmer qu'elle ignorait les conséquences de ses actes. Tout ce qu'elle souhaitait, c'était nous sauver.

— Alors pourquoi n'est-elle pas venue avec toi ?

— Parce qu'elle est persuadée que sa rédemption est dans la souffrance.

— La pendaison, ce n'est pas assez pour elle ?

— Non. Elle a trouvé pire... Le mariage.

Ils restèrent silencieux quelques secondes. Ayis se redressa lentement, étira ses articulations endolories et s'exclama :

— Bon, occupons-nous de ces maudites digites !

— Serre les dents, Ayis, ça va faire mal...

Les mains tremblantes, Eurystée approcha le couteau du pouce de son ami. Ils avaient prévenu tous les Dissidents de la marche à suivre et devaient maintenant donner l'exemple. Malheureusement, ignorant dans quel pouce se trouvait la balise, il fallait taillader les deux. Eurystée enfonça doucement la pointe dans la chair ridée à la recherche de la digite, la trouva, sortit le couteau et utilisa une pince à épiler pour l'extraire. Durant l'opération, Ayis n'avait pas poussé un cri, se contentant de mordre son autre main.

Le Chant du LoriotOù les histoires vivent. Découvrez maintenant