Chapitre 1 [Réveille-toi, Lua]

85 19 5
                                    

Avec une grande difficulté, Lua écarta les paupières. Elle ne reconnut pas son environnement et éprouva un sentiment de peur. L'avait-on envoyée en prison ? Mais elle sut rapidement, grâce à la perfusion dans son bras et aux murs blancs, qu'elle était à l'hôpital. Pour quelle raison ? Les dernières heures étaient floues. Ses souvenirs s'entrechoquaient dans sa mémoire, y créant un chaos indescriptible.

Elle se dressa dans son lit et se massa douloureusement les tempes. Un marteau frappait sans ménagement les parois de son crâne. Elle avait l'impression d'avoir dormi des semaines, voire des mois entiers. Peut-être était-ce réellement le cas ?

Pourquoi était-elle ici ?

Lua avisa son Tech'let posé sur une table de chevet, le saisit et l'enfila à son poignet. Le texte qui défila la ramena brutalement à la réalité.

Nous sommes le mercredi 20 septembre... Météo du jour : pluie, prévoir les vêtements de 19°... Rappel : 59 Dissidents sont encore en fuite. Le BADGE compte sur votre aide.

Les Dissidents. La chasse. Son cerveau hurla à l'agonie, une atroce douleur parcourut l'intégralité de son corps, si bien qu'elle crut perdre à nouveau conscience. La mort de Liktor... Elle revit le sourire du cadavre, réentendit le son qu'avaient fait ses vertèbres en se brisant. Crac. Il était mort, et c'était entièrement de sa faute. En pensant lui donner une planche de salut, elle l'avait poussé droit vers la potence.

Sa respiration s'emballa. Elle avala de grandes goulées d'air. Sous l'effet de la panique, son cœur battit à toute allure. Saisissant ses cheveux, les arrachant presque, elle se balança d'avant en arrière en gémissant.

Au cri qu'elle poussa, deux infirmières coururent dans sa chambre. L'une la piqua au bras tandis que l'autre la maintenait vigoureusement. Elle était en proie à une crise de folie, une crise de démence. Son cerveau, ne parvenant plus à accepter la réalité, se protégeait en abandonnant toute forme de logique. Mais le produit injecté fit bientôt effet : elle perdit toute force, comme privée de nerfs. Une grande fatigue l'envahit, ne laissant derrière elle qu'une tragique tristesse.

« Il pleut. »

La pluie répondait si parfaitement à son état d'âme... Elle avait l'impression que les nuages communiquaient avec ses sentiments. Elle avait l'impression de voir le visage de Liktor, là-haut, dans le ciel...

Le produit cessa de faire effet quelques heures plus tard. Elle était calme, trop calme. Vidée de toute sensation. Comme absente. Elle regardait fixement le plafond, ce plafond trop blanc, sans la moindre craquelure... Sans la moindre fissure... Trop lisse, trop parfait. Une simple illusion. Elle se rattachait à cet élément tangible pour ne plus perdre la raison. Elle ne voulait plus perdre cette colère, cette révolte qui grondait dans son corps, qui bouillait dans son âme. Elle s'y rattachait pour avoir un objectif, n'importe lequel.

À 15 heures, la porte de sa chambre s'ouvrit à nouveau. Elle eut la surprise de voir entrer sa mère. Ophélie resta immobile quelques instants, cherchant sans doute les gestes ou les mots adéquats. Elle finit par s'asseoir sur la chaise la plus éloignée du lit de sa fille.

— Bonjour, Luby. Tu vas mieux ?

Elle ne répondit pas. Ses yeux parlaient pour elle. Ses pupilles noires avaient rarement été si expressives.

— Si tu savais... Ce n'est pas évident pour ton père et pour moi non plus. Comme vous êtes tous les trois hospitalisés, nous passons notre temps ici...

— Tous les trois... ?

Sa voix s'était mise à trembler.

— Je ne vais pas te cacher la vérité très longtemps, même si j'ai conscience qu'il faudrait que je te ménage un peu. La nuit où tu as arraché ta puce, les Chasserêves t'ont ramenée à la maison. Ils nous ont expliqué que c'était normal, que c'était un plan pour gagner la confiance des Dissidents, que tu te réveillerais dans la matinée. Mais Yun est descendu à ce moment. Et lui, quand il a vu les Chasserêves et ton corps sur une civière, il a cru qu'ils t'emmenaient. Il n'a pas supporté le choc.

Le Chant du LoriotOù les histoires vivent. Découvrez maintenant