1. Chic type

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La tête sous le pommeau de douche, je laisse la flotte chasser les derniers résidus de fatigue.

Cette fois, j'y reste un peu plus longtemps. On est vendredi et j'ai toute la semaine dans les pattes. J'ai hâte d'être en week-end... mais ce n'est pas pour tout de suite.

Les yeux fermés, j'essaie de faire le vide dans ma tête. Ça ne fonctionne pas vraiment et, machinalement, ma main gauche se pose sur mon poignet droit, que je commence à malaxer. Il est douloureux, comme à chaque fois que j'ai une trop grosse session de dessin.

Je suis story-boarder et animateur dans un studio d'animation. En gros, je dessine puis j'anime les dessins. En ce moment, on travaille sur un projet de série pour la télévision.

C'est l'histoire d'un petit garçon, Mika, qui ne fait que des bêtises avec ses potes Rudy et Bianca mais, à chaque fois, ils s'en sortent grâce à Eugénie, la petite génie qu'ils ont trouvée en frottant une gourde magique.

Le dessin animé est diffusé tous les matins à la télé avant que les enfants ne partent à l'école. Cela impose un rythme de création de dingue. Chaque jour, on donne vie à 4 minutes de dessin animé. Chaque épisode fait 21 minutes donc on met une semaine pour fabriquer un épisode. On n'a pas la droit à l'erreur.

Cette semaine, une partie de l'équipe s'est retrouvée hors service à cause du Covid, du coup, le reste de l'équipe a dû travailler deux fois plus. Je ne sais même plus combien de dessins j'ai dû effectuer.

Mais mon poignet est là pour me rappeler que c'était certainement beaucoup trop.

Je finis par couper le jet d'eau et par m'extirper de là avant de m'endormir sous la douche.

Allez, du nerf !

Boulot n°1 terminé. Place au boulot n°2.

Eh ouais, mon métier a beau être un métier passion, je n'en demeure pas moins un intermittent du spectacle.

On n'a pas du travail toute l'année au studio. Certaines années sont meilleures que d'autres selon les projets auxquels on participe et qui trouvent des financements.

Donc pour assurer mes arrières, je bosse plusieurs soirs par semaine au Wellington, qu'on appelle aussi le W, un hôtel luxueux de New York. J'officie derrière le bar, où mes cocktails commencent à avoir leur petite réputation.

Je me sèche rapidement et enfile à la va vite un jogging et un t-shirt. Je vais bien finir par être à la bourre.

J'attrape la housse avec mon costume et je m'apprête à sortir quand une petite silhouette se faufile entre mes pieds.

- Weasley, t'a bien failli me faire tomber cette fois encore ! je peste tout en jetant un coup d'œil à sa gamelle.

Mon chat, qui ressemble plutôt à une énorme boule de poils rousse, regarde aussi sa coupelle désespérément vide puis me regarde. Il me fait les yeux du chat Potté pour m'amadouer et le pire, c'est que ça marche.

- Ouais pardon, j'ai failli oublier. Mais ce n'était pas une raison pour essayer de me tuer. C'était un chattentat !

Je souris à ma blague et la note vite fait dans mon téléphone.

Puis je me dépêche de mettre des croquettes à ce gros morfale et je file en vitesse en prenant mon cahier à dessin au passage.

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- Messieurs, ce soir on accueille un cabinet d'architectes et leurs clients. Discrétion et efficacité requises. Et faites attention au client de la chambre 124. Vous le savez, après le 5e whisky, il devient irascible donc amenez-le gentiment à s'arrêter avant cette limite pour ne pas qu'il fasse de scandale, mais attention ! Sans qu'il ne se sente fliqué. Il faut qu'il croie que ça vient de lui !

Hôtel BarOù les histoires vivent. Découvrez maintenant