4. Mine de rien

2.1K 160 507
                                    

- Moi je ne jure que par des Faber-Castell.

- Ouais, ouais, je veux bien vous croire mais les meilleurs ce sont les Derwent.

Combat au sommet entre un architecte et un dessinateur. Notre discussion de ce vendredi soir : quelle est la meilleure marque de crayons à papier pour réaliser des esquisses.

- Un autre, Louis, s'il vous plaît !

Je m'éloigne quelques secondes de Chic type pour resservir un whisky à M. Valériot.

Ça fait trois.

Le siège du bouclé était pris par un autre client ce vendredi soir. Un type que je n'avais encore jamais vu ici. Il échange avec M. Valériot à propos d'une marque de bagnole si j'ai bien compris.

M. Styles aurait pu se joindre à eux, il reste un tabouret sur le côté. Il a fait un signe de main poli à son acolyte habituel.
Mais il a préféré, cette fois, s'asseoir au milieu du comptoir, face à moi lorsque je suis en train de préparer un cocktail.

Quand je reprends place face à lui, l'architecte a dégainé son crayon dont le bois est peint en couleur vert forêt. La main posée sur le comptoir, il tient le crayon droit comme un "i" entre ses doigts pour me le montrer.

- Essayez-le... il me propose.

Le crayon est neuf, sa mine pas encore entamée.

- En fait vous n'êtes pas vraiment architecte, je lui lance amusé, lui faisant froncer les sourcils.

Alors je fais un signe de menton en direction du petit objet.

- Vous faites semblant d'utiliser des crayons pour vos plans et croquis alors qu'en fait, vous ne les utilisez pas. Regardez-moi ça, tout droit sorti de son emballage ! je le taquine.

- Vous m'avez démasqué Louis...

Le voilà le premier "Louis" de la soirée.

Pourquoi j'adore ça ?

Ici, la plupart des clients réguliers m'appellent comme ça. C'est mon prénom, ça n'a rien d'extraordinaire. Alors pourquoi, est-ce que, dans sa bouche, ces cinq lettres me donnent envie de passer par dessus le comptoir pour me jeter sur ses lèvres et arracher tous ses vêtements ?

Surtout cette chemise rose pâle, presque blanche, qu'il porte ce soir avec un jean délavé et une petite paire de baskets.

Est-ce que je l'ai scanné des pieds à la tête lorsqu'il est apparu dans mon champ de vision ? Il se pourrait bien. J'étais en train de sécher des verres avec mon torchon et je pouvais très bien faire ça tout en le regardant marcher dans ma direction.

Il est en tenue décontractée et j'ai compris qu'il s'est changé avant de descendre au bar. Lorsqu'il vient directement après le travail, il porte toujours un costume.

Il est élégant en costume. Mais je le préfère comme ça, au naturel. Plus il est en mode décontracté, plus j'aime ça. Ce qui ne me ressemble pas du tout.

D'habitude, j'aime les hommes habillés avec classe. Ils m'ont toujours fasciné. Peut-être parce que, moi, je suis toujours en survêt' ou fringues "normales".

Il n'y a que derrière ce comptoir que je suis tiré à quatre épingles. Toujours en noir ou noir et blanc mais toujours impeccable : chemises sans pli, pantalons à pinces, parfois un petit gilet, parfois de simples bretelles. Un genre Peaky Blinders souhaité par l'hôtel pour son bar qui, bien qu'ouvert à tous, a des allures de club pour gentlemen.

Quand je ne bosse pas au W, je ne ressemble à rien. Les t-shirts sont mes meilleurs potes, tout comme les sweats et les tenues de sport. En revanche, je suis attiré par mon opposé : les chics types habillés sur leur 31.

Hôtel BarOù les histoires vivent. Découvrez maintenant