2. Surnom

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Trois mois plus tard.

Vendredi soir.

Je souffle un grand coup pour me donner un peu de courage.

Ce soir, le bar de l'hôtel est bondé et la somme de travail est colossale. Une conférence était donnée un peu plus tôt dans l'auditorium de l'hôtel et tous les participants semblent avoir eu envie de poursuivre leurs conversations autour d'un verre.

On dirait que les clients se sont tous donné le mot : ils veulent tous des cocktails et pas de simples verres.

Du coup, ça fait deux heures que je n'arrête pas : couper des fruits, mélanger les alcools, écraser des citrons au pilon pour en extraire les sucs, ajouter des épices, piler de la glace, secouer, secouer, secouer, servir... Et recommencer.

Ces gestes répétitifs et la rapidité à laquelle je dois les exécuter commencent à me tenir chaud. Je retrousse les manches de ma chemise blanche et, avant de me retourner pour poursuivre mon travail, je caresse machinalement le petit gilet noir sans manche boutonné par-dessus ma chemise.

Allez, encore quelques heures à tenir, du nerf !

Je finis de servir deux Sex on the beach quand un client m'interpelle.

- Un whisky sec s'il vous plaît !

- Tout de suite ! je lance en attrapant rapidement un verre.

Mais l'objet n'a même pas le temps de toucher le comptoir.

- Dans un verre tulipe, s'il vous plaît...

À ces mots, je suspends mon geste dans les airs et tourne la tête vers la gauche pour regarder le client assis au comptoir et qui me regarde.

Ses cheveux sont un tout petit peu plus longs, accentuant son côté bouclé. Ce soir, il est moins tiré à quatre épingles que la première fois où je l'ai vu. Il porte un pull bleu marine élégant et sobre.

Mais ses yeux, eux, n'ont pas changé.

C'est bien lui. Le type du cabinet d'architectes.

Le chic type.

- Pardon, je ne vous avais pas reconnu, je m'excuse.

- Ce n'est pas grave du tout, il répond en m'adressant un petit sourire.

Putain, sa voix grave est tellement sexy.

Je me mets un claque mentalement.

Concentre-toi Louis !

- Si, ça l'est, je souris en retour. Mon chef me tuerait s'il savait que je ne vous ai pas rapidement resitué. Je dois être capable de le faire et je suis même censé connaître le nom et la chambre de tous les clients réguliers ! je lui explique en reposant le verre que j'avais initialement pris et en me retournant pour prendre un verre plus long et fin.

Cela fait quelques temps que les verres tulipes attendent sagement sur l'étagère derrière moi. La première fois qu'il est venu, j'ai fini par laver les six verres de la sorte et, plutôt que de les redescendre dans la réserve, je les ai rangés à portée de main.

C'était il y a quoi ? Quelques semaine, dix, peut-être douze. Je me suis dit que le client reviendrait peut-être. Les semaines ont passé mais depuis, à chaque fois qu'un vrai connaisseur en whisky en commande un, je lui propose dans un de ces verres et plusieurs d'entre eux m'ont déjà félicité pour cette initiative.

- Oh, alors il va peut-être falloir que je vous donne le numéro de ma chambre car je vais devenir un client régulier, il répond sans se départir de son doux sourire.

Hôtel BarOù les histoires vivent. Découvrez maintenant