16. Signal d'alerte

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Je triture nerveusement le bas de mon sweat, agrandissant un peu plus le trou qui s'est formé avec l'usure au niveau de la couture. Quand je relève les yeux, le chiffre trois passe à quatre. L'ascenseur stoppe.

- C'est là, dit M. Styles avec sa voix grave mais douce.

Son sourire masque mal sa nervosité. À moins que ca ne soit de la timidité.

Il me laisse passer devant, tel un gentleman et, tandis que nous remontons le couloir, je souris en regardant les moulures au plafond.

Ça me rappelle la dernière fois où je suis monté ici avec lui. C'était pour le border. À l'époque, j'étais persuadé de me faire des films et que, lui, ne ressentait strictement rien pour moi.

Maintenant, je sens son regard brûler ma nuque et je sais qu'il se retient de ne pas m'embrasser dans ce couloir.

Je m'arrête devant la porte 428. Elle est de couleur blanc laqué et les chiffres sont dorés, tout comme la poignée.

Il lui faut un petit temps pour effacer son air étonné et se rappeler que je connais effectivement par cœur le numéro de sa chambre.

M. Styles, enfin Harry, ça me fait encore drôle de l'appeler ainsi, sort sa carte de sa poche et le bruit du verrou qui se rétracte brise notre silence pudique.

Cette fois, il entre en premier pour éclairer la chambre. Il en profite pour rabattre la porte de la salle de bain et m'invite à entrer.

La première fois, j'étais bien occupé à le regarder lui et je n'avais pas trop prêté attention à la pièce excepté le tableau au-dessus du lit.

Cette fois, j'observe l'épais matelas surmonté d'une couette et de draps blancs et la montagne d'oreillers installés par dessus. La valise du bouclé posée sur le lit et qu'il enlève prestement tout comme un t-shirt qui était posé là.

Je comprends qu'il n'avait pas prévu que l'on se retrouve ici tous les deux. J'ignore s'il est descendu sur un coup de tête ce soir après sa longue absence ou s'il pensait qu'on parlerait juste.

J'observe la paire de claquettes blanches posée au pied du lit et pour laquelle je me suis foutu de lui l'autre jour.

Sa veste de costume suspendue à un cintre, lui même accroché à la porte du placard. Et le petit bureau dans l'angle de la pièce. Je m'en approche.

M. Styles y a visiblement travaillé, il y a des dossiers, un plan roulé posé au sol. Une esquisse de toit-terrasse est dessinée sur du papier à dessin et je la caresse pour sentir les gros grains de la feuille blanche sous mes doigts.

C'est beau ce qu'il a dessiné. Ceux qui vivront là auront de la chance. Je souris en voyant trois crayons à papier parfaitement alignés et taillés.
On est tellement différents lui et moi.

Mes yeux se posent sur tout ce qu'ils trouvent. Parce que ça m'évite d'affronter tout de suite le regard émeraude qui fait s'emballer mon cœur.

Et puis, j'ai l'impression, pour la toute première fois, d'apprendre à le connaître un peu. Ça, c'est sa vie. Une vie dont j'ignore tout jusqu'à présent.

Il dort côté droit, c'est de ce côté qu'il a posé sa montre. Il lit le New Yorker. Un exemplaire était posé sur sa valise. Il a dû bouquiner avant de descendre, en tout cas, il a positionné un oreiller rectangulaire à la verticale, histoire qu'il puisse bien caler tout son dos.

Est-ce qu'il fait toujours cela ? Je n'ai aucun souci à l'imaginer installé ainsi, les pieds croisés, tournant les pages du célèbre magazine avec la délicatesse qu'il dégage.

Hôtel BarOù les histoires vivent. Découvrez maintenant