37. Tim

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Je termine ma cigarette, le regard perdu dans le vague. La ville s'étale sous mes yeux mais je ne prête guère attention aux lumières éclairées.

Mon esprit est ailleurs. Parti quelque part entre les souvenirs et le rêve, à la recherche de son image.

Les traits de son visage, l'écho de sa voix, la pureté de son rire... Je cherche inconsciemment à me raccrocher à quelque chose.

Le manque de lui.

Il est si fort putain. Tellement, tellement fort.

Parfois, il me réveille la nuit. Mes yeux s'ouvrent d'un coup, le rythme de mon souffle et des battements de mon cœur est élevé et je comprends que je viens de rêver de lui. Son visage est encore incrusté au fond de ma rétine, juste là. La seconde suivante, l'angoisse et la douleur m'étreignent.

J'ai si mal putain. Je le ressens jusque dans mes os. Mais je ne peux m'en prendre qu'à moi même : je savais que cette histoire aurait ma peau et que je finirais brisé. C'était juste impossible de me tenir à bonne distance de lui.

Me lever, marcher jusqu'à la cuisine, me servir un grand verre d'eau. Me ressaisir.

Six vendredis sans toi. Sans aucune nouvelle.

Je crois crever à chaque nouvelle nuit. Puis je m'étonne d'être toujours de ce monde à chaque nouveau matin. Loin de toi, je réalise que j'en ai rien à foutre d'un monde sans toi. Que rien n'a d'odeur et de saveur.

Est-ce que ça va passer ? Il faut que ça passe.

Je déteste Paul de nous avoir fait ça. Je me déteste moi. Et, parfois, je te déteste un peu toi.

Ça ne dure jamais longtemps. Tu sais que ma dévotion t'est totale et que si tu te tenais, là, devant moi, moi je serais à genoux devant toi.

Mais tu es exceptionnel. C'est ce qui m'a plu hier et c'est ce qui cause ma perte aujourd'hui.

Comment t'oublier quand je sais quel homme tu es ? Quand je me rappelle de la douceur de tes caresses et la tendresse de tes mots ?

Se ressaisir.

Je jette le mégot de ma cigarette et décide de rentrer au chaud.

- Encore en train de fumer ?

- Mmm...

- Franchement, à cause de lui, tu vas te tuer la santé.

Je le regarde. Il se tient debout dans la cuisine, les traits sévères.

- On ne va pas recommencer, si ? je demande, complètement las. C'est ça que tu veux, Paul ? Qu'on se dispute ? Encore ?

- Ça va, j'dis plus rien, s'agace mon mari. De toute façon, je sais que le vendredi, on ne peut rien te dire. Tu penses à lui et t'es d'humeur exécrable.

Ses mots se veulent cassants mais je sais qu'ils illustrent sa tristesse et son impuissance. Mon époux sait qu'un autre homme occupe ce soir mes pensées, il ne peut rien y faire, et moi non plus.

Il y a un mois et demi, après une nuit blanche passée dans cette chambre d'hôtel à parler et pleurer, on est rentré main dans la main chez nous.

On a tous les deux accepté cet état de fait : j'aime mon mari mais j'ai des sentiments pour un autre homme aussi. J'allais même tout quitter pour lui.

Si je suis là aujourd'hui, c'est pour essayer de sauver mon couple. Il y a deux hommes, j'avais un choix à faire. J'ai choisi Paul, au nom de notre mariage et de ce qu'on s'était promis mais ça n'enlève rien à ce que j'éprouve pour Louis.

Hôtel BarOù les histoires vivent. Découvrez maintenant