C'est le froid qui me réveille, les nuits sont un peu plus fraîches en septembre à la Rochelle, il doit faire onze degrés. Il fait nuit mais l'éclairage de la ville en contre bas donne quand même un ciel lumineux. Je constate que ma moto n'est plus à vue. Je vais pour tourner la tête afin de regarder vers le bas, puisque j'ai plutôt le corps tourné vers le haut, mais une douleur me fait hurler. Mes cervicales ont pris chers. Je replace mes jambes lentement devant moi mais c'est pareil, le fait de bouger un seul orteil me ferait tourner de l'œil. Je me retrouve donc à moitié assise contre le tronc d'un arbre, les deux jambes pliées sous moi. Je veux lever mes bras pour retirer mon casque mais pareil le geste me ferait hurler. J'en ai pris des coups mais je n'ai jamais eu aussi mal de toute ma vie. Je ne sais pas depuis combien de temps je suis là. J'ai dû perdre connaissance. J'ai froid et surtout j'ai mal, je ne peux pourtant pas rester dans ce ravin. Qui va me retrouver ici, si je ne bouge pas ? Je pourrais passer des jours entiers sans que quelqu'un ne pense à regarder par ici. A moins que ma moto ait atterri sur la chaussée en contre bas, ce dont je doute fort, parce que sinon les secours seraient déjà sur place, tandis que là, il n'y a personne. Pas un bruit, c'est silencieux. J'entends une chouette hululer au loin et une autre lui répondre, celle-ci beaucoup plus près. Je ne peux pas participer, je ne connais pas leur langage et c'est bien dommage, je pourrais leur demander d'aller chercher les secours. D'après moi, elles doivent se raconter mon accident. D'ailleurs comment se fait-il que je n'aie plus eu de freins ? Est-ce que quelqu'un me l'aurait trafiquée sur le parking du centre commercial à Nantes ? Non impossible, c'est un des hommes de Phoenix qui l'a ramenée ? Est-ce que le câble du frein était usé ? Pareil, c'est impossible, je l'avais faite réviser après être arrivée sur la Rochelle. Ou alors, c'est le fait de ne pas l'avoir utilisé souvent et l'avoir poussé dans les virages peut-être ? J'aurais dû attendre que Mario ait fini sa petite affaire pour appeler le cabinet d'assurances, cela m'aurait évité de prendre ma moto. Lorsque j'ai dit à Romy que je faisais un saut chez mon assureur, je pensais plus au sens figuré, pas au sens propre ! Si seulement les autres téléphones avaient marché.
Soudain, j'ai comme une illumination, une montée de chair de poule me recouvre tout le corps.
— Oh la garce ! crié-je en voulant bouger, ce qui me déclenche un cri de douleur.
Tu vas me le payer Béa, je jure que tu vas me le payer si j'arrive à m'en sortir. Maintenant tout est clair. Je me revois prendre le premier combiné téléphonique dans la salle, le combiné était en effet branché mais je me souviens que mon cerveau a aussi enregistré un fil qui pendait plus loin. En fermant les yeux, je revois ce fil, je commence en partant du socle puis le suis des yeux et là ! Punaise, il n'était plus relié à la prise. Comment se fait-il que mon cerveau n'ait pas compris ? Je pense que je voulais tellement joindre l'assurance pour avoir des nouvelles, qu'il n'a pas tout capter sur le moment. Je me dirige donc mentalement vers l'infirmerie, remontant le fil des évènements au fur et à mesure. Je me revois prendre le combiné, c'est comme si j'y étais, comme si je me téléportais dans cette pièce. Lorsque j'ai saisi le combiné, j'ai eu une drôle d'impression, je fouille ma mémoire. Qu'est-ce qui a pu me faire douter à un moment ou à un autre ? Je réfléchis... je réfléchis... de toute façon, je n'ai que cela à faire pour l'instant. Puis la lumière se fait. Il était léger ! Nom d'un chien ! Il était léger ! Il n'y avait rien sur l'écran digital ! J'ai cru qu'il était déchargé mais les piles batteries avaient été retirées ! C'était ça la légèreté !
— Enfoirée ! Salope ! Poufiasse ! Sale petite pute !
Tous les noms d'oiseaux y passent. Mais alors avec Mario, si ça se trouve c'était elle ? Elle ne pouvait pas trafiquer son téléphone parce qu'il était dans son bureau, alors elle a trouvé mieux à faire pour que je n'ose pas le déranger. Je referme les yeux, me rejoue la scène. J'entre, je vois Mario la bouche ouverte, mes yeux se posent vers le bas du bureau, je vois alors des talons. Je me concentre, essaie de visionner Béa, lorsqu'elle est venue m'informer du coup de fil, je suis la courbe de ses hanches, se dandinant dans sa robe rouge, ras la foune, je continue vers ses mollets puis revois ses talons hauts. Ils étaient noirs, vernis. Punaise c'est elle ! Je tape ma main sur le sol, ce qui me fait de nouveau hurler, car non seulement cela raisonne dans ma colonne mais je crois que j'ai le poignet pété. Je ne peux pas rester ici, il faut que je serre les dents, que j'essaie de remonter la pente coûte que coûte. Je bouge mes jambes, mâchoire serrée tellement la douleur est infernale puis j'arrive à me coucher sur le flanc. Je sens alors dans mon casque un liquide poisseux envahir une partie de mon visage. Je crois que mon casque n'a pas résisté à la rencontre avec le tronc. Maintenant que ma tête n'a plus son appui sur ce dernier, je sens de l'air s'infiltrer à l'arrière. J'ai mal... vraiment mal... je sais que je n'aurais jamais la force de monter là-haut. Je sais également que je n'aurais pas longtemps la vigueur non plus de hurler pour qu'on me retrouve, sachant que cette route à l'air déserte. Le saignement de ma tête va me donner rapidement des vertiges, néanmoins, ce qui est rassurant, c'est que ce n'est pas une hémorragie interne, la pression sanguine de mon cerveau ne sera pas compressée dans ce dernier. Par contre, je ne donne pas cher de ma peau, si personne ne me retrouve.
J'entends soudain des bruits d'une ou plusieurs motos au loin. Dites-moi que je rêve ! Si quelqu'un a pris cette route, peut-être va-t-il me voir ? Ah oui et comment ? me répond mon subconscient. Vous savez le petit diable sur votre épaule qui vous fait faire ou dire des conneries, alors que de l'autre côté, l'ange essaie de vous résonner. Comment pourrait-il me voir et encore moins m'entendre avec le bruit de son moteur. En plus, il fait nuit ce qui n'arrange rien. Mais contre toute attente, j'entends les moteurs ralentir, puis se taire, il n'y en a pas qu'un. Puis, je vois des lumières balayer la route plus haut. Je discerne des bavardages sans en saisir le moindre mot. En même temps, j'ai les oreilles qui bourdonnent et la tête comme un compteur à gaz.
— A l'aide ! Au secours ! Aidez-moi ! Je suis là !
Les lumières se rapprochent du vide, balayant la descente mais je suis beaucoup plus bas que leur faisceau.
— Plus bas ! plus bas ! pleuré je de douleur.
Les lampes finissent par m'éclairer, je vois des ombres commençaient à descendre lentement vers moi.
— On l'a trouvé Prés ! On l'a trouvé ! Dans l'avant dernier virage en bas de la côte ! Elle est dans le ravin ! Faut appeler les pompiers, elle a l'air bien amoché !
— Je suis là... dis-je plus doucement à bout de force.
— C'est moi Gaël. Steven est avec moi, c'est bon on t'a retrouvé ! T'inquiète on va te sortir de là !
— Merci les mecs... merci de m'avoir retrouvée.
— T'as mal où exactement ?
— Les cervicales, j'ai très mal aux cervicales, le moindre geste me fait souffrir.
— Ok, écoute. On ne va pas te toucher, on va attendre les pompiers. Phoenix est de l'autre côté de la colline, il ne va pas tarder à arriver ! Comment t'as fait pour te mettre dans un état pareil ! Pourquoi t'as quitté le M.C sans prévenir un seul des mecs en place ! Ils ont failli se prendre une bastos dans le citron quand le Prés est revenu. Mario nous a appelé alors que la réunion touchait à sa fin, il devait être vingt-trois heures... Hé ! Ne t'endors pas ! Je ne fais pas la conversation pour que tu dormes ok ? C'est pour que tu restes avec moi ! Alors écoute bien ce qu'il s'est passé ! Il nous a dit que ça faisait plus de six heures que tu étais partie avec ta bécane, les filles ont dit que tu n'en avais que pour deux heures avec ton assureur. Le problème c'est qu'elles ne savaient pas quelle assurance et Béa ne s'en rappelait pas non plus !
— Elle m'a piégé... dis-je.
— Quoi ? Qu'est-ce que tu dis ? Qui t'a piégée ! Qui !
Mais on entend les pompiers se rapprocher, Gaël se lance dans la montée pour les arrêter et les guider. J'entends en même temps, le moteur d'une moto arriver à fond et un freinage cowboy suivre. Ça c'est Raphaël, j'en mettrais ma main à couper, quoi que pour l'instant, j'ai assez de douleur comme ça. Mais je reconnais ce freinage, c'est celui qu'il devait m'apprendre avant de disparaitre de ma vie. Je vois son corps s'élancer dans le ravin avant même que les pompiers y aient mis un pied. Il est sur moi en un rien de temps.
— Princesse ! Princesse ! ça va ?
— Maintenant que tu es là oui.
Lexique
* Bud Spencer : *Bud Spencer : Acteur, Carlo Pedersoli, dit Bud Spencer, est un acteur, nageur et poloïste italien, né le 31 octobre 1929 à Naples et mort le 27 juin 2016 à Rome. D'abord sportif de haut niveau, il est ensuite connu pour ses comédies d'action tournées en duo avec Terence Hill.
* Cognes : argot, Les policiers, les gendarmes
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Phoenix
Action(Phoenix) Je suis comme le Phoenix je renais de mes cendres, plus fort, plus déterminé que jamais. Ma vengeance a été mon leitmotiv. Mes mises à mort sont le bûcher, je viens des flammes de l'enfer et compte bien les faire découvrir aux traitres qui...