Chapitre 11 - Dazai

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Tout est enfin terminé pour nous. Le département des superpouvoirs s'occupera de tout l'administratif concernant cette affaire.

D'après les médecins, Chûya devrait survivre, avec de longs mois de soins intensifs et de repos.
Les mots de Selma me tournent en boucle dans la tête.

Ce n'est pas la mort de la personne que tu aimes qui va soulager tes sentiments, même si tu ne les acceptes pas.

Je sais. Cela ne m'empêche pas de me dire qu'une partie de ma souffrance vient de lui, même si je sais qu'il n'y peut rien.

Par hasard, je croise deux employés du gouvernement qui dressent la liste des morts. Je leur demande si je peux y jeter un coup d'œil, par curiosité. La liste est plus longue que je ne l'aurais cru. Mes yeux balayent les noms et se fixent sur celui de Selma Lagerlöf.

Oh.

La tristesse est tellement ancrée en moi que je suis incapable de la ressentir davantage. Selma était une femme forte, intelligente, qui méritait de vivre.
Je suis désolé pour elle.

Je rends la liste aux employés et appelle Yosano sur mon portable. Je crois qu'elle s'est rendue à l'hôpital pour aider les médecins.

- Oui ? J'espère que c'est important, Dazai. Je suis occupée.

- Ton pouvoir ne fonctionne plus ? On compte au moins trente morts !

Le pouvoir de Yosano, Personne ne mourra, lui permet normalement de sauver toute personne à l'article de la mort.

- Les recherches de cette secte étaient assez avancées. Ils ont trouvé le moyen de bloquer l'effet des pouvoirs des autres sur quelqu'un. Je ne peux soigner aucune personne qui a reçu ce produit, et apparemment ils en ont mis dans toutes leurs seringues. Je suis redevenue un simple médecin.

Je comprends mieux. Je vais devoir me rendre auprès du patron pour lui demander ce que deviendront ces produits.

Comme on n'a plus besoin de moi nulle part, je demande un taxi et me dirige vers les locaux de l'Agence. Je trouve le patron dans son bureau, en compagnie de Ranpo qui me souhaite bon courage et part s'acheter des friandises. Il a sûrement épuisé sa réserve pendant la mission.

Yukichi Fukusawa est un homme qui n'a pas besoin de faire beaucoup d'efforts pour être pris au sérieux. Il porte toujours un kimono vert kaki et des sandales japonaises, ses cheveux gris lui tombent sur les épaules en mèches désordonnées, et son regard est toujours terriblement perçant. Je trouve que son ancien surnom de "Loup argenté" lui correspondait parfaitement. Il a laissé son ancien travail de mercenaire reconverti en détective pour fonder et diriger l'Agence d'une main de fer.
Je le respecte et l'admire beaucoup. Je crois que c'est la première fois que je travaille pour un homme aussi intègre.

- Patron. J'aurais quelques questions à vous poser.

Il me fait signe de m'asseoir et me sert une tasse de thé, comme à son habitude.

- Je t'en prie.

- Que deviendront les produits créés par la secte ?

- Ils seront étudiés par des scientifiques et des médecins. Selon leurs découvertes, ils décideront s'il est nécessaire de détruire ces années de recherches illégales ou non.

- Je vois.

J'ai l'étrange impression de le patron attend pour m'annoncer quelque chose.

- Ton idée était excellente, commence-t-il, et je te remercie pour ton aide. Cependant... de nombreuses personnes ont été blessées ou sont mortes aujourd'hui.

- Oui, c'est vraiment regrettable.

J'ai l'impression de parler un peu dans le vide. Quand va-t-il passer aux choses sérieuses ?

- M.Mori m'a appelé tout à l'heure. Il nous demande de prendre en charge la guérison de leur capitaine, puisque c'est nous qui l'avons impliqué.

M.Mori n'est pas boss de la Mafia portuaire pour rien. Il est doué en affaires.

- Vous pouvez retirer la somme de mon salaire.

- C'est inutile. Il y a une autre demande. Nous devons prendre en charge le capitaine jusqu'à ce qu'il soit complètement rétabli, et pas uniquement financièrement.

- Vous voulez dire... qu'il va falloir lui trouver un logement et l'aider tant qu'il n'est pas autonome ?

Je trouve que c'est exagéré. Les soins peuvent très bien être assurés par la Mafia.

- C'est exact. Le principal concerné devrait sortir de l'hôpital dès que possible.

- Pardon ? Vous avez accepté ? Sans négocier ?

- Je ne compte pas entrer en guerre contre la Mafia alors que sa demande est réalisable. Et j'ai pensé qu'il pourrait t'être utile de t'occuper de quelqu'un.

Je viens enfin de comprendre. Je m'en veux d'avoir été aussi lent. En passant en revue tous les logements que possède l'Agence, seul mon appartement est envisageable. Déjà, quand Kiôka a rejoint l'Agence, elle a dû habiter avec Atsushi car on manquait de place.

- Patron... Vous savez qu'il s'agit de mon ancien collègue... Notre relation a toujours été difficile, donc je ne pense pas que -

- Il ne s'agissait pas d'une question, coupe-t-il fermement. Je n'ai pas dit que cela serait facile, mais je te demande de prendre sur toi. Ma décision est prise.

~

Je passe chez moi pour me changer et je pars courir. Mes pensées n'ont jamais été aussi sombres.
Chûya va venir chez moi. Je vais devoir m'occuper de lui. Passer du temps avec lui.
J'envisage de le tuer pour m'épargner cette tâche.
Ce n'est pas la mort de la personne que tu aimes qui va soulager tes sentiments, même si tu ne les acceptes pas.
Selma avait raison. C'est inutile.
Je laisse mes pas me guider jusqu'au fleuve près duquel j'ai rencontré Atsushi. Je me souviens de son air de gamin des rues affamé, et de la force qui émanait de lui malgré tout. Je pense à Odasaku, qui n'aurait pas pu s'empêcher de sauver un orphelin de ce genre.

Je me laisse glisser dans l'eau, sur le dos, attendant une délivrance qui ne viendra pas.

~~

Hey ! Voilà, on passe enfin aux choses sérieuses ! J'espère que la suite vous plaira !

{Soukoku} Seul un diamant peut en polir un autreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant