À mon réveil, la première chose dont je prends conscience est de la présence de Dazai à mes côtés.
Au souvenir de ce qu'il s'est passé entre nous, mon cœur se dérègle comme si je venais de commettre la pire insubordination du monde. Ma loyauté envers la Mafia est irrévocable, et je me demande comment je vais pouvoir justifier ma relation avec un membre de l'Agence.
Mais j'ai l'impression de m'être trahi moi-même, aussi, et c'est presque encore pire.C'est seulement à cet instant que je me rends compte que Dazai m'observe en silence. Je me suis endormi de nombreuses fois face à lui, mais il avait toujours disparu avant le lever du soleil. Aujourd'hui, il n'a pas bougé.
Je regarde son visage impassible, puis le haut de son torse qui dépasse de la couverture. Je m'y attarde sûrement un peu trop longtemps, car il éclate de rire tout en me donnant un coup de pied dans la jambe pour me rappeler à l'ordre.- T'es trop mignon, lâche-t-il en deux éclats de rire.
Je me sens rougir.
- Arrête. C'est pas drôle.
Il réplique :
- Je le pense vraiment.
Il fait malicieusement glisser sa main le long de ma jambe. Je rougis de plus belle, et ne trouve rien de mieux à faire que de poser mes lèvres sur les siennes pour effacer son sourire.
Enfin, après s'être longuement moqué de moi, il me laisse tranquille, se lève et se dirige vers la douche.
- Tu viens ?
Je le suis en soupirant.
- C'est bon, j'arrive.
~
Il pleut toute la journée, mais j'ai quand même l'impression que le monde est un peu plus lumineux. Je ne peux pas m'empêcher de sourire. J'ai l'impression que le temps s'est arrêté et que je suis seul avec Dazai, dans une bulle protectrice qui n'existe pas.
Dazai profite de son dernier jour de congé. À partir de demain, je devrai rester seul.- J'ai quelque chose à te montrer, dit-il soudain.
Je suis assis sur ses genoux. On vient de finir une partie de cartes à laquelle j'ai perdu. Il m'a interrompu alors que je tentais d'expliquer qu'il me déconcentrait et que je ne pouvais pas jouer correctement.
- Qu'est-ce que c'est ?
- Tu verras.
Il se lève brusquement et me porte dans ses bras jusqu'à l'entrée.
- Dehors ? je demande, surpris. Je ne sais pas si tu as remarqué, mais il pleut.
Dazai me repose sans ménagement par terre, attrape une veste et me la tend tout en s'équipant également. Puis il me prend par la main et me conduit dehors.
La pluie et la brume m'empêchent de voir autour de moi. Je me repère vaguement tandis que Dazai me conduit sans hésiter à travers les rues.
Je suis affreusement gêné de sortir de cette manière, avec des vêtements classiques, en tenant la main de mon ancien partenaire. Colocataire. Ennemi. Petit ami, à présent ? Je ne sais pas comment l'appeler. Je vais me contenter de "cet enfoiré de Dazai", pour m'épargner une prise de tête inutile.On arrive devant un cimetière que je ne connais pas. Il faut dire que je ne passe pas mes heures de temps libre à visiter les cimetières, contrairement à certaines personnes.
- Tu peux me dire ce qu'on fait là ?
Il ne répond pas et m'entraîne le long des allées. Il s'arrête devant une tombe assez récente. Je passe ma main sur la pierre pour mieux lire le nom qui y est gravé : S. Lagerlöf.
J'ignore de qui il s'agit. J'attends que Dazai m'en dise plus.- Cette femme travaillait pour le gouvernement, déclare-t-il lentement. Sans elle, tu serais mort.
Je m'agenouille avec précaution devant la tombe, luttant contre le froid et l'humidité qui transpercent mes vêtements. Je déteste lorsque des alliés meurent. Je ne connaissais pas cette femme, mais je suis en colère contre ceux qui l'ont tuée.
Dazai continue :- Son pouvoir lui permettait de connaître les véritables sentiments d'une personne. Elle l'a utilisé sur moi, et je voulais lui rendre hommage. C'est aussi en partie grâce à elle qu'on est ensemble aujourd'hui. Ses mots m'ont vraiment touché.
- Si tu veux, je viendrai avec toi lui rendre visite, de temps en temps.
- J'espère. Mais ce n'est pas ce que je voulais dire par "rendre hommage".
- Hein ?
Je ne vois pas où il veut en venir.
Il s'agenouille près de moi et pose son front contre le mien.- T'es pas obligé de virer au rouge pivoine à chaque fois que je m'approche de toi, tu sais.
- C'est pas de ma faute ! On est en public, t'as qu'à attendre un peu !
En même temps, je suis irrésistiblement attiré vers lui. À l'instant où il m'embrasse, je comprends ce qu'il voulait dire. Il veut rendre hommage au pouvoir de Lagerlöf, lui montrer que ses paroles n'ont pas été vaines. Lui montrer qu'il a saisi la chance qu'elle lui donnait.
Heureusement que je n'aurai pas à faire cela pour Kôyô... Elle devinera instantanément tout ce que je voudrai lui dire avant même que je le dise. Je la vois déjà se moquer de nous en traitant de gamins.
Elle a sûrement raison. Des gamins qui découvrent la vie. C'est l'impression que j'ai en regardant notre comportement. Je me sens comme un enfant qui explore le monde. Je réfléchirai aux conséquences plus tard. Pour le moment, je ne fais pas attention aux pots de fleurs qui tombent alors que Dazai m'allonge sur la pierre. Je ne fais pas attention non plus à la pluie qui détrempe mes vêtements. Tout se mélange en moi, passé et présent, amour et haine, j'ai l'impression d'être au centre d'une tempête déchaînée.Soudain, dans le chaos se dessine une silhouette fantomatique. C'est une femme aux longs cheveux blonds emmêlés et au visage fin. Elle porte une longue robe blanche qui fait ressortir sa maigreur. Ses yeux verts s'accrochent à moi, me décryptent, comme si elle me reconnaissait.
Ses mots tournoient et se fondent en moi, comme un ancrage qu'elle m'offre :
- Ce n'est pas la mort de la personne que tu aimes qui va soulager tes sentiments, même si tu ne les acceptes pas.
VOUS LISEZ
{Soukoku} Seul un diamant peut en polir un autre
FanfictionUn soir, après le travail, Chûya croise Dazai dans un bar. Il a à peine le temps de le reconnaître qu'il ressent une piqûre dans le bras, et son pouvoir, bloqué par celui de Dazai, lui est inutile. Il s'évanouit sans rien pouvoir faire. De son côté...