Je rêve que je suis mort. Je me sens flotter dans le néant, sans douleur, comme si je n'avais jamais vraiment existé.
Mais c'est comme s'il manquait quelque chose.
Je finis par ouvrir les yeux. J'ai l'impression d'avoir dormi deux semaines d'affilée.
Ma première pensée : je suis toujours en vie.
La deuxième : Chûya.Je suis à l'infirmerie de l'Agence. Je me redresse et, sans prendre en compte les lignes floues devant mes yeux, je cherche Chûya. Il est allongé dans un lit à côté du mien. Les yeux ouverts.
Pourquoi est-ce qu'il ne bouge pas ?
Je vois bien qu'il respire. Il est vivant.
Je me lève brusquement et titube jusqu'à lui.
- Chûya...
Je vois les muscles de son bras se tendre. Je pourrais l'arrêter, mais je le laisse faire.
La gifle laisse une marque brûlante et douloureuse sur ma joue.Chûya lève les yeux vers moi. Je crois que je ne l'avais jamais vu en colère à ce point.
Je ne sais plus ce que je dois faire. Sans même vraiment m'en rendre compte, je commence à pleurer. Et puis à parler, sans plus pouvoir m'arrêter.Je lui dis que je ne voulais pas qu'il vienne avec moi, mais juste qu'il voie ma mort. Je lui dis que je suis désolé, que je suis perdu, que je l'aime et que je ne voulais pas prendre le risque de le perdre. Je lui dis que j'ai été terrifié de l'entendre dire qu'il serait là pour moi et qu'il voulait m'aider à me reconstruire.
Je suis un lâche. La peur de me battre pour ma vie me pousse à chercher la mort. J'ai lu un jour une phrase qui est restée gravée en moi : Les gens normaux sont tristes et en colère, et les génies sont malheureux.
Je me suis alors demandé si j'étais un génie. Je crois que oui. Mon intelligence est tout à la fois ma force et ma faiblesse. Pour le moment, les centaines de pensées qui tourbillonnent dans ma tête ne me permettent pas de savoir ce que pense la personne la plus importante de ma vie. Alors à quoi ça sert ?Chûya se décide enfin à interrompre mes réflexions.
- Je te déteste, murmure-t-il doucement.
Un rire mêlé de sanglots s'échappe de ma gorge.
- Tout va bien, alors.
Je me penche vers son visage et pose mon front contre le sien. Mes yeux se ferment, et je m'abreuve de la sensation de réconfort que je ressens.
Mes larmes coulent sur le visage de Chûya. Je sens ses mains s'agripper à ma nuque et m'attirer contre lui.
Chûya est quelqu'un de sincère et de véritable. Lorsqu'il se bat, lorsqu'il tue, lorsqu'il est en colère, il ne fait pas semblant.
Il ne fait pas semblant d'aimer non plus.
Je peux sentir toute la force qu'il implique dans son baiser, comme si il avait peur que ça soit le dernier. Le goût salé des larmes se mêle à celui de la mer qui a laissé son empreinte sur nous.
Je ne sais plus si je veux vivre ou non. Je pensais que ma vie ne valait pas d'être vécue, mais je me demande si je suis obligé d'abandonner si vite.
Il n'y a pas que le fait de pouvoir mordiller la lèvre inférieure de Chûya tout en m'allongeant en partie sur lui comme je suis en train de le faire. Il y a aussi la vie à l'Agence, qui est loin d'être désagréable. Mes collègues sont gentils. C'est sans doute pour cette raison que je me suis toujours senti à l'écart. Que ce soit Yosano, Kiôka, Atsushi et même Chûya, tous ont allié la violence à la compassion. Moi, j'ai perdu toutes mes frontières. Entre le bien et le mal, la vie et la mort, je suis incapable de faire la différence.
- Je ne vous dérange pas ? demande Yosano, nous rappelant soudain sa présence.
On s'écarte l'un de l'autre. Le visage de Chûya a viré à l'écarlate.
Je m'assieds sur le bord de son lit.
- Merci, Yosano. Sincèrement.
Le médecin me regarde d'un air surpris.
- C'est toujours un plaisir, répond-t-elle finalement. Allez, vous pouvez rentrer chez vous avec mon accord officiel !
Nos vêtements sont secs. En prenant en compte toutes les informations que j'ai, je dirais que l'on doit être ici depuis au moins vingt-quatre heures.
Chûya attrape brutalement mon bras.
- Tu ne bouges pas pour le moment. Yosano, vous pouvez nous laisser une seconde ?
Il plante son regard dans le mien.
- Il faut qu'on parle.
Yosano hoche la tête et quitte l'infirmerie. Lorsque le bruit de ses talons s'éloigne, Chûya lâche mon bras et passe une main sur son visage en soupirant.
- Écoute, Dazai... Je sais pas comment tout ça va évoluer, mais... C'est pas possible si tu passes ton temps à faire des conneries pareilles.
J'adopte aussitôt un ton glacial, par réflexe.
- Et tu crois que tu peux y faire quelque chose ? On couche ensemble, d'accord, mais ça ne te donne pas tous les droits non plus.
- Donc c'est juste ça, pour toi ? Je suis quoi, moi, un truc dont tu peux te servir quand tu veux mais qui doit fermer sa gueule et écouter gentiment ? T'a toujours été comme ça ! Tu peux pas penser un peu aux autres ?
Je suis plus touché que je ne voudrais l'admettre. Le caractère explosif de Chûya se réveille encore une fois, et je suis fatigué de ses paroles. Je ne veux plus les entendre.
- Tu as peut-être raison. Tu devrais te protéger. Retourne à la Mafia donner des ordres à des chiens qui n'attendent que ça. Ils vont baver à tes pieds et ça te fera plaisir.
La deuxième gifle est encore plus douloureuse que la première.
En voyant l'aura rougeoyante qui entoure Chûya, je me rends compte qu'il utilise à nouveau son pouvoir. Il aurait très bien pu me tuer à l'instant. Sauf que je ne l'aurais pas laissé faire, et il le sait parfaitement.- Alors, tu as perdu ta langue ? je demande en souriant.
- Va te faire foutre.
- Je suis sûr que tu peux trouver mieux que ça. Allez, fais un effort ! Cherche, Chûya, cherche encore !
Je sais que je vais trop loin, mis je n'ai pas envie de me retenir. Il essaye d'utiliser son pouvoir, en vain. Le mien le bloque par l'intermédiaire de ma main.
Alors j'encaisse les coups les uns après les autres. Je continue de sourire et de me moquer de lui malgré la douleur. Je ne me défends pas, même si je me retrouve à terre, à bloquer avec peine les coups.
Je voulais juste éviter que Chûya ne détruise l'infirmerie. Tant qu'il se concentre sur moi, tout va bien.
Je mérite ce qui m'arrive.
~
Chûya finit par s'écrouler près de moi. Je distingue ses larmes qui tombent sur le sol, une par une. Je commence à ressentir la douleur.
Qu'est-ce qu'on est en train de faire ? De gâcher la seule chance de bonheur que l'on ai jamais eue ?La porte s'ouvre sur Yosano, qui retient un cri en nous voyant.
- J'entendais crier, mais là, il vous manque un peu de diplomatie, les gars ! Je ne suis pas femme de ménage ! Il y a du sang partout, c'est n'importe quoi !
Elle nous rallonge de force sur nos lits. Chacun de mes muscles endoloris me supplie de ne pas bouger.
Je ferme les yeux et murmure pour moi même :
- C'est vraiment douloureux.
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{Soukoku} Seul un diamant peut en polir un autre
FanfictionUn soir, après le travail, Chûya croise Dazai dans un bar. Il a à peine le temps de le reconnaître qu'il ressent une piqûre dans le bras, et son pouvoir, bloqué par celui de Dazai, lui est inutile. Il s'évanouit sans rien pouvoir faire. De son côté...