Les jours passent comme dans un rêve. La seule chose qui me permet de mesurer le temps est la sensation de mon corps qui se régénère peu à peu. Chaque heure est remplie de disputes avec Dazai et de discussions autour de ce que j'apprends dans les livres. Souvent, je finis par lui demander de partir parce que je n'en peux plus de voir la montagne de connaissances qui nous sépare. Je peux facilement apprendre une liste de noms et je connais par cœur chaque ruelle de Yokohama, mais j'ai encore beaucoup à apprendre.
Pour le reste, mon rétablissement progresse lentement. Après un mois, je peux marcher correctement et j'ai de moins en moins de fièvre. Yosano adapte les traitements en fonction des découvertes des scientifiques.
Je sors régulièrement marcher. Pouvoir enfin sortir de mon lit est une vraie délivrance.
Je mets les vêtements que Dazai m'a achetés à mon arrivée ; ils sont assez agréables à porter, et je veux prolonger encore un peu l'impression que le temps s'est arrêté.
Dazai se confie de plus en plus. Il ose enfin décrire ce qu'il ressent et ce qu'il pense. En échange, je lui donne quelques anecdotes de la Mafia. Je ne le considère pas comme un ami. Notre relation a atteint cet entre-deux délicat durant lequel chacun se demande s'il va franchir le pas.
Le temps passé ensemble efface les inquiétudes et les questions. Je ne veux rien savoir pour le moment, je veux juste prendre le temps de savourer cela.Certains de mes subordonnés ont pris de mes nouvelles. J'ai mis du temps à comprendre que j'étais désormais considéré comme quelqu'un à part entière, et plus seulement un supérieur dangereux dont il faut suivre les ordres. Ce changement est comme un rapprochement avec mes collègues, qui risquent leur vie parce que je le leur demande. Le respect est important, mais la confiance également. C'est peut-être ce qui manquait à Dazai. Être effrayant ne suffit pas toujours. Les menaces ne peuvent rien face à la loyauté.
La seule chose qui me gêne vraiment au quotidien, c'est la perte de mon pouvoir. Un pouvoir dangereux et magnifique, qui m'a toujours accompagné et sans qui je me sens privé d'une partie de mon identité.
Au bout de six semaines, Yosano déclare mes côtes guéries. Elle m'ordonne de passer encore deux semaines en repos avant de pouvoir rentrer chez moi.
Le soir même, allongé près de Dazai, je souffle :- Je ne sais pas si j'ai envie de partir.
- Je ne sais pas si j'ai envie de te voir partir, répond-t-il sur le même ton.
Depuis le début de notre cohabitation, aucun de nous deux n'a osé évoquer ce qu'il pourrait advenir ensuite. Lorsque l'on sera séparés à nouveau. Parce que le monde continue de tourner, peu importe nos sentiments. Et pourtant, tout est resté en suspens, comme maintenant, face à face mais sans admettre la vérité.
Cette fois-ci, c'est moi agis en premier. Je ne supporte plus cette tension permanente.
Je saisis le visage de Dazai entre mes mains et je l'embrasse comme j'en ai eu envie toutes ces semaines. Je l'embrasse jusqu'à ne plus sentir mes lèvres, jusqu'à ce que je ne puisse plus respirer. Je laisse sa langue se joindre délicatement à la mienne, je me raccroche à lui comme à un encrage qui m'éviterait de me noyer.
La faible lumière qui passe à travers les rideaux me permet de distinguer le sourire de Dazai. À n'importe quel moment, j'aurais eu l'impression qu'il se moquait de moi. Pourtant, à cet instant, je sais qu'il est sérieux. Je sais qu'il ne me considère pas comme quelqu'un qu'il ne reverra plus après cette nuit, je sais qu'il est sincère et que je viens de franchir la distance qui nous séparait.Ses lèvres effleurent les miennes, et il demande doucement :
- Tu es sûr de toi ? On ne pourra pas revenir en arrière.
Il me dévore des yeux sans retenue, mais pour une fois ça ne me dérange pas, bien au contraire.
Je ris nerveusement en répondant :- On ne peut déjà plus revenir en arrière.
J'hésite une seconde avant d'ajouter :
- Depuis longtemps.
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{Soukoku} Seul un diamant peut en polir un autre
FanficUn soir, après le travail, Chûya croise Dazai dans un bar. Il a à peine le temps de le reconnaître qu'il ressent une piqûre dans le bras, et son pouvoir, bloqué par celui de Dazai, lui est inutile. Il s'évanouit sans rien pouvoir faire. De son côté...