Chapitre 19

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Yeonjun était passé prendre Soobin dans sa voiture personnelle, une relique à l'espace étriqué si souvent réparée qu'il pourrait la nommer Bateau de Thésée. Bien sûr il aurait préféré utiliser son véhicule de fonction, mais Monsieur Choi avait fait la demande qu'il ne l'utilise pas, pour plus de discrétion. Il lui avait payé le plein d'essence pour sa peine, donc il n'allait pas se plaindre. Quand Soobin était apparu sur le pas de la porte, valise à la main prête à rejoindre la sienne dans le coffre, la promesse de leurs vacances lui permit de sourire malgré tout.

Ça avait été dur de se concentrer sur la route, et surtout sur les voitures pouvant toutes potentiellement les suivre, alors que Soobin était à nouveau à côté de lui. Heureusement, celui-ci semblait aussi nerveux que lui, et le trajet se déroula en silence. Ils n'échangèrent leurs premiers mots qu'après être entrés dans les coulisses du théâtre, déjà vibrantes d'activités avec le costumier et la régie qui se disputaient un coin de l'espace étriqué.

« Comment tu te sens ? demanda Yeonjun, un peu inquiété par sa pâleur.

– J'ai envie de vomir, et aussi de m'évanouir. Plutôt bien vu comment je me sentais les dernières fois que je suis monté sur scène, du coup.

– Du moment que tu ne t'évanouis pas pour de bon. Je te porterai jusqu'à la scène, si ça arrive.

– Tu vas rester avec moi ? »

Il y avait de l'espoir, de l'anxiété dans sa voix. C'était formulé comme une question, mais son besoin d'être rassuré était si apparent que c'était plus une supplique qu'autre chose. Yeonjun serra sa main gantée sur son bras, dans un geste qu'il espérait être réconfortant pour lui et platonique pour leur public.

« Je vais faire un tour du bâtiment pour vérifier que tout est normal, et je te rejoins. Je resterai au même endroit que d'habitude pendant la performance. Ne t'en fais pas. »

Soobin respira profondément, se murmura une série de « Okay. Okay », avant de partir vers le costumiste pour commencer à se préparer. Yeonjun tenta d'ignorer à quel point ça l'angoissait de le quitter du regard, même pendant quelques secondes. Il avait fait de son mieux pour être rassurant, mais il était terriblement à cran, ses nerfs à vif depuis la veille. Ça devait se voir sur son visage, parce que les acteurs et techniciens s'écartaient sur son chemin en baissant la tête, trop pressés par le temps pour risquer une altercation avec un agent de sécurité aigri.

Yeonjun arpenta les couloirs, vérifia la scène, les éclairages, sous les sièges du public. Il parcourut les pièces derrière les coulisses, identifiant tout le monde comme des membres habituels de la troupe. Après s'être assuré une dernière fois que rien n'était inhabituel dans la salle de spectacle, et que les portes étaient bien verrouillées ou ouvertes comme elles devaient l'être, il retourna vers son protégé qu'il trouva déjà en costume en train de se maquiller à côté d'autres acteurs.

« Tout va comme tu veux ? » demanda Soobin en appliquant une poudre bleue à paillettes sur ses paupières.

Il avait choisi ses mots avec précaution, pour ne pas apporter de stress inutile à ses collègues l'entourant. Ses épaules étaient couvertes par une sorte de cape bleue et blanche à sequins, les manches trop larges lui rappelant les clichés de magicien médiéval. On pouvait deviner dessous une chemise blanche bouffante et un pantalon noir. À côté des plaquettes de maquillage, devant le miroir, était posé un chapeau assorti conique. L'ensemble donnait quelque chose entre le Merlin du vieux film Disney et Howl du Château Ambulant.

« Rien à signaler. Et toi, tu t'en sors ?

– Pour le moment », acquiesça-t-il sans s'arrêter.

Yeonjun le regarda comparer les rouges à lèvres devant lui avant de poser une main à la base de son cou, massant doucement ses muscles crispés du pouce. Soobin se relaxa lentement sous sa prise, ses épaules se relâchant et sa nuque devenant moins rigide. Dans le miroir, Yeonjun pouvait voir l'organisatrice leur jeter des regards au milieu d'une conversation avec la régie, provoquant un sentiment d'urgence le poussant à rétracter son geste. Il l'ignora.

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