Mr. & Mrs. Spike (Tome II)

Mission 10 : En finir avec toi

En rentrant ce soir-là, je ne croise personne devant l'entrepôt.

Moi qui avais pris l'habitude de saluer le petit groupe à la fin de chaque journée de travail, comme on saluerait ses colocataires, je n'en suis même pas déçue. Il était temps que j'échappe à cette si douce illusion. Je ne suis pas Rose Harrington, et ce ne sont pas mes amis. Tout au plus des alliés.

Dès mon entrée à l'intérieur du bâtiment froid et austère, je surprends des éclats de voix.

— Elle est en danger là-bas ! s'emporte Erik.

— N'es-tu pas censé la protéger, justement ? C'est bien pour ça que tu as une oreillette du matin au soir, non ? soulève Scott avec une pointe d'amertume dans la voix.

Je lève les yeux au ciel. Même sans les voir, je devine qu'ils se font face avec hargne, tous crocs dehors.

Voilà qui explique tout. Je ne vais visiblement pas tarder à interrompre une réunion de crise.

— Je ne peux pas la protéger en étant aussi loin ! rétorque sèchement l'assassin.

Aimée intervient soudain pour les calmer :

— De toute façon, soyons honnêtes, Amanda ne laissera personne faire obstacle à sa vengeance...

Un silence pensif s'installe, durant lequel je m'avance discrètement, cachée par l'ombre qui règne sur les lieux.

Très vite, Scott le brise, plus énervé encore que précédemment.

— Eh bien, on dirait que je suis le seul en mesure de m'assurer qu'elle restera en vie !

Au même moment, la porte claque dans mon dos. Le fracas résonne dans l'espace vide qui nous entoure comme dans une cathédrale.

Le jugement est proche.

Lorsque le groupe me remarque, chacun se tait, conscient d'avoir été entendu.

Toujours plantée entre les deux hommes, Aimée se mord la lèvre. Face aux ardeurs que je provoque, elle a bien du mal à se faire une place, j'ai l'impression. N'en a-t-elle pas marre de toujours devoir s'interposer entre eux à cause de moi ? Leur rivalité est palpable dans l'air alors qu'elle ne devrait plus exister. En souffre-t-elle ?

Scott lâche un soupir, les mains sur les hanches. À en juger par la tête qu'il tire, il n'est pas franchement ravi que j'aie surpris leur échange. Que voulait-il me cacher ? Sa jalousie, ou son apparente certitude d'être mon seul sauveur ? À moins que ce qui lui déplaise vraiment, ce soit cette ferveur qu'il m'a été donné de percevoir l'espace d'une brève seconde chez Erik...

L'assassin ne tarde d'ailleurs pas à relancer la machine, malgré les visages réprobateurs.

— Qu'est-ce qu'il t'a dit ?

Tout le monde sait à qui il fait référence, mais comme d'habitude, il est le seul à oser poser la question qui fâche.

Pour toute réponse, je le dépasse sans un regard, déjà lassée par ces remontrances que je ne tiens pas à recevoir. Je n'ai qu'une envie : m'enfermer dans ma chambre pour réfléchir.

Malheureusement, son agacement gagne du terrain face à ma nonchalance.

— Amanda, ne commence pas à faire semblant de ne pas comprendre ! Je te parle du patron de ViSion et de votre conversation dans son bureau, à laquelle je n'ai pas assisté puisque ton micro était brouillé. Alors, ne m'oblige pas à me répéter.

Ces derniers mots viennent heurter mon dos avec brutalité. Je me retourne à moitié, à quelques mètres des escaliers.

— Je t'ai déjà tout dit. Nous avons parlé de Spencer, c'est tout, lui assuré-je, les yeux dans les yeux.