Mr. & Mrs. Spike (Tome II)

Mission 38 : M'allier à toi

Je suis seule dans l'entrepôt depuis une petite dizaine de minutes. Je me suis levée à l'aube, avec le soleil, la rosée du matin et la brise hivernale, car la journée s'annonce chargée. En rebondissements et en émotions.

Dans le silence pesant, froid, je me tords les doigts. Ma nervosité est palpable. Elle s'accentue à chaque minute que je passe en compagnie du vide et de mes pensées emmêlées. Le nœud dans mon estomac m'a empêchée d'avaler quoi que ce soit au réveil. Il m'a tenue éveillée une bonne partie de la nuit. Et il continuera de me tourmenter jusqu'au dénouement final.

Je n'ai pas croisé Erik. Je ne sais pas s'il compte venir ou s'il refusera de participer à ce qu'il considère déjà comme une erreur monumentale. Je prie pour avoir mon partenaire, le premier et le dernier, à mes côtés.

Mais une femme comme moi peut-elle être exaucée ?

La porte de l'entrepôt s'ouvre, et j'étouffe rapidement la bouffée d'espoir qui m'envahit à ce bruit. Ce ne sont qu'Aimée et Scott, nos plus fidèles alliés. Je savais, en les contactant hier, qu'ils n'hésiteraient pas à venir me prêter main-forte. Ni le danger ni la loyauté ne leur font peur.

Depuis l'annonce de ma grossesse, nos liens se sont contre toute attente renforcés. La petite graine qui grandit dans mon ventre a ravivé l'enthousiasme, les attentes et l'appréhension éprouvés pour l'enfant qu'ils ont perdu. Comme si elle canalisait à la fois les peurs et les espérances de tous ceux qui s'en approchent.

Le premier geste d'Aimée est d'ailleurs de poser la main sur mon ventre avec un immense sourire. Je n'en prends pas ombrage. Son excitation me fait du bien, m'éloigne des sentiments négatifs liés à cette maternité inattendue.

— Comment va le bébé ? me demande la jolie blonde.

— À merveille, lui réponds-je en baissant les yeux sur ses doigts chaleureux.

Quand je relève la tête, Scott est tout près. Contrairement à sa petite amie, il a depuis un moment renoncé à amorcer tout contact entre nous. Il ne trahit plus aucun sentiment ambigu à mon égard, excepté à travers son regard, qui ne parvient pas encore tout à fait à masquer l'étincelle qui y brille chaque fois qu'il me voit. Leur couple n'en paraît que plus solide. J'espère qu'il l'est réellement...

Il arbore une expression ennuyée qui me surprend.

— J'ai cru comprendre que la mort de Spencer t'avait chamboulée, dit-il.

J'ouvre de grands yeux, à la recherche de la moindre trace d'ironie. Mais je n'en perçois aucune. Il croit sincèrement que le sort de Spencer m'importe après ce qu'il a fait ?

Un instant, je vais même jusqu'à réfléchir à cette possibilité. Il ne me faut que quelques secondes pour être sûre de moi : je ne ressens que du regret de constater jusqu'où son caractère et sa possessivité malsaine l'ont mené. Pas une once de tristesse ne fait tressailler ma poitrine.

Dans un haussement d'épaules, Scott m'explique comment il en est arrivé à penser une telle chose.

— Erik est venu toquer à la maison hier, il te cherchait.

Derrière sa nonchalance apparente, je décèle une pointe d'amertume. Au même titre qu'Erik, il s'imagine que j'ai fui ma demeure pour aller trouver un autre homme. Et il ne peut s'empêcher d'en être agacé.

Son amertume ne passe pas inaperçue auprès d'Aimée, dont le regard jongle entre nous. Elle détache lentement la main de mon ventre, à présent attentive à nos interactions.

Raison pour laquelle je m'efforce d'être le plus neutre possible.

— J'étais chez mon père, indiqué-je, bien que je n'y sois pas obligée. J'avais besoin de m'assurer que c'était bel et bien l'œuvre de mon oncle. Victor semble désagréablement surpris de la façon dont les choses se sont passées avec le député, la discrétion étant habituellement l'une des armes de mon oncle.