Mr. & Mrs. Spike (Tome II)

Mission 35 : Renoncer à toi

Trois mois plus tard...

Spencer Morris est mort.

Sa maison aurait pris feu la nuit dernière. Il aurait brûlé au milieu de son salon, dans le fauteuil, sa montre de luxe encore au poignet.

Du moins est-ce ce qu'affirme le journal que j'ai sous les yeux.

Je lâche une expiration, la main posée sur mon ventre rebondi. Erik n'est pas du genre à se fier à la presse. Il affirme à qui veut l'entendre qu'on n'y trouve qu'un tissu de mensonges. C'est pourquoi ma surprise n'a été que plus grande lorsque j'ai repéré la une en grosses lettres criardes sur le bar.

Il ne me l'a pas cachée. Au contraire, il guette ma réaction, appuyé contre le frigo. Sauf que je n'en ai aucune à lui offrir. Je me sens seulement... vide.

Spencer a réussi à faire disparaître tout sentiment positif que je lui portais. Je ne vois plus son regard rieur, sa démarche élégante ou son ardeur à défendre les sujets qui lui tenaient à cœur. Je ne visualise que ce moment où il m'a dit que s'il ne m'avait pas, personne ne m'aurait. C'était quelques minutes avant qu'il n'enclenche le minuteur d'une bombe qui a failli coûter la vie à l'homme que j'aime et à celui qui a été mon patron.

Je n'ai pas le temps de sonder ce que je ressens au fond de moi quant à cette mort inattendue que mon téléphone sonne. Après une œillade en direction d'Erik, toujours impassible, je décroche.

— Tu as vu les infos ? me demande Scott, alarmé.

Inutile de préciser qu'il parle de Spencer.

La nouvelle de sa mort doit faire grand bruit, surtout dans le milieu politique. Étant le petit protégé du chef de son parti, il laisse une place vacante que ses soi-disant amis vont se faire un plaisir de combler. Quant aux complotistes, ils vont pouvoir s'en donner à cœur joie puisque les enquêteurs tentent encore de déterminer si l'incendie était criminel.

Or, je ne vois qu'une personne capable de commanditer son meurtre.

— Silence s'est chargé de son cas, réponds-je d'une voix neutre qui ne me ressemble pas.

Scott lui-même en est étonné.

— On dirait, lâche-t-il, perplexe.

Pourtant, quelque chose ne colle pas.

Le procès de Spencer était programmé dans une semaine. Pendant des mois, tout le monde a parlé de son passage du côté obscur de la Force. Tous n'ont récolté que son silence têtu. On attendait avec impatience sa défense. Quelles raisons allait-il bien pouvoir invoquer pour justifier sa tentative de meurtre, son recours à des explosifs ?

Il faut croire qu'on ne le saura jamais.

C'était sans doute l'objectif. Mais pourquoi Silence l'aurait-il exécuté maintenant, à une semaine de la date tant attendue ? Simon était-il sincèrement convaincu qu'il révélerait à tous l'existence de son organisation criminelle ? J'en doute. D'autant que cet assassinat suspect risque de mettre en lumière les aspects compromettants de la vie de Spencer, y compris son passé trouble avec Lorna, leur rupture prématurée, ainsi que notre relation secrète.

Mon oncle a beau être ce qu'il est, jamais il n'aurait pris le risque d'attirer les regards sur le rôle que j'ai joué dans la vie du député.

— Ne l'enterrons pas trop vite, ajouté-je, les yeux rivés sur le journal. Je vais demander confirmation à mon oncle.

Tant que je ne serai pas certaine que le problème Spencer est définitivement résolu, qu'il ne représente plus une menace pour moi, Erik ou notre bébé, hors de question de me reposer sur mes lauriers.