Mission 40 : Me venger de toi

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Spencer est devant nous, en chair et en os. C'est la preuve que je ne suis pas la seule à avoir échoué dans une de mes missions. Tous ont failli un jour ou l'autre. Excepté que l'erreur de mon oncle risque de nous coûter cher.

J'aurais dû m'en occuper.

Les trois hommes qui m'entourent ont déjà sorti leur arme. Erik tente de me placer derrière lui, mais je résiste. Je ne peux pas m'imposer comme la nouvelle directrice des trois S et me cacher derrière un assassin. Quelle image cela renverrait-il de moi ? Même Manuel a braqué son canon sur Spencer alors qu'il n'a pas la moindre idée de qui il est ou de ce qu'il est venu faire ici !

Moi, je sais qu'il partage la même motivation que moi. Je le lis dans ses prunelles teintées de folie et son expression hargneuse.

— Baissez tous vos armes, ordonne l'ancien député. Maintenant. Ou je tire.

C'est moi qu'il vise en s'adressant aux autres. Moi qui suis dans sa ligne de mire. Heureusement qu'il ne peut pas voir que je suis enceinte, il en perdrait la tête. Plus qu'il ne l'a déjà perdue.

— Trois contre un, mon gars, lui fait remarquer Erik, dont la prise se resserre de minute en minute sur la crosse.

Je sens son angoisse, son impuissance, ses remords. Ils sont si palpables qu'ils m'étouffent, m'envahissent comme un brouillard opaque. Je l'entends presque se dire à lui-même : « Je savais que c'était trop dangereux, je n'aurais jamais dû la laisser mener à bien son plan. » Alors que nous célébrions notre victoire il n'y a pas deux minutes, le mot « DÉFAITE » s'inscrit en grosses lettres sur le front de notre ultime adversaire. Celui qui pourrait signer notre arrêt de mort. Celui qui pourrait nous séparer définitivement.

Spencer laisse échapper un rire glaçant sans me quitter du regard.

— J'aurai le temps d'atteindre son cœur avant de succomber.

Il dit vrai. C'est pourquoi Erik baisse son arme, malgré l'envie dévorante de tuer l'ennemi qui fait trembler sa main. Il est immédiatement imité par mon oncle. Seul Manuel tarde à rendre les armes, et je ne l'en estime qu'un peu plus.

Il est évident que c'est moi que Spencer veut maintenant qu'il m'a trouvée. Je n'étais pas supposée être là, dans ce bureau, à cet instant. Il faut croire que le destin lui a souri. Une pierre deux coups. Il peut renverser l'homme qui a commandité son assassinat et détruire la femme qui l'a conduit dans l'abîme. Un homme comme lui n'admettra sans doute jamais qu'il en est arrivé là par sa faute.

À moins que ce soit à moi que le destin sourie, en réalité ?

— Tu n'étais pas censé être mort ? lancé-je avec le plus grand calme.

J'ai essayé plusieurs méthodes : la douceur le jour de son interview avec Calvin, la colère au moment où il a failli faire exploser l'appartement de mon patron ainsi que tous ceux qui étaient dedans. J'opte désormais pour l'absence d'émotion. L'indifférence est ma meilleure arme.

Sa mâchoire se crispe.

— Je ne suis pas homme à me laisser facilement abattre, rétorque-t-il. Demande-lui.

Je me tourne vers mon oncle.

— Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

Simon n'a pas le temps d'ouvrir la bouche que Spencer m'éclaire :

— Son assassin est entré chez moi en pleine nuit. J'ai entendu du bruit. Quand je l'ai vu s'orienter vers le salon, j'ai attendu qu'il s'approche pour tenter de le désarmer. Nous nous sommes battus et le coup de feu est parti. J'ai su que je devais fuir, que d'autres agents de Silence viendraient pour me faire taire. Alors, je l'ai installé dans le fauteuil, j'ai accroché ma montre à son poignet et j'ai mis le feu à la maison. Le temps que la police mène l'enquête, j'aurais le temps de partir. Mais tout compte fait, je ne veux pas partir.

Mr. & Mrs. Spike (Tome II)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant