Mr. & Mrs. Spike (Tome II)

Mission 12 : Goûter le fruit de ta trahison

Le lendemain, je m'enferme dans mon bureau au sein de ViSion comme si les révélations de son dirigeant ne m'avaient pas complètement bouleversée, la veille.

Je ne sais toujours pas ce qu'il attendait comme réaction de ma part. Le but était-il de semer la discorde dans notre groupe en s'attaquant au noyau central, c'est-à-dire ma relation avec Erik ? Eh bien, dans ce cas, il a plutôt bien réussi. Je ne serais d'ailleurs pas surprise qu'il soit un fervent adepte du « diviser pour mieux régner ». Malgré son apparente bienveillance, il ne faut pas oublier que lui aussi fait partie de ceux qui me manipulent dans l'ombre.

Chose surprenante, quand je suis passée recueillir mes missions de la journée, M. Pickham n'était pas dans son bureau. Lui qui arrive toujours en avance pour se plonger au plus vite dans les dossiers qui l'accaparent semble avoir été retenu par le grand patron. Je ne vois du moins pas d'autre explication à son absence...

Serait-ce à propos de l'interview de Spencer ? C'est vrai que tout commence peu à peu à se mettre en place. Il ne reste plus qu'à obtenir confirmation auprès de l'intéressé. Pour être honnête, je doute que l'hôtel et le restaurant proposés l'ennuient. Cependant, nous ne sommes pas à l'abri de quelques protestations, soit pour la forme, soit pour lui donner l'occasion d'entendre ma voix.

Intérieurement, je prie pour ne pas avoir à le recontacter avant le jour J. J'ai déjà beaucoup à penser. Sans compter que je ne suis pas d'humeur à repousser d'énièmes avances avec douceur.

Hier, j'ai rompu avec Scott.

Depuis, il reste dans un coin de ma tête.

Ce n'est en rien comme la première fois, à Scarlet Hollow, quand il m'a annoncé qu'il voulait renouer avec sa femme. Je ne suis ni jalouse ni blessée dans mon orgueil. Il ne manquerait plus que ça, alors que c'était mon initiative ! Non, je suis, au contraire, tout ce qu'il y a de plus apaisé. Seul un fond de culpabilité, comme une insupportable rengaine qui tournerait en boucle dans mon esprit, continue de peser sur mon estomac, m'empêchant d'avaler quoi que ce soit. La simple idée de siroter un thé suffit à me donner la nausée.

L'heure du repas approche pourtant à toute vitesse.

Dans mon oreillette, j'entends que la question se pose également du côté d'Erik.

« Si je veux déjeuner tout de suite ? Non, merci, je n'ai pas faim. »

Au loin, je distingue la voix douce d'Aimée. Je m'arrête d'écrire pour me concentrer sur ses paroles. En vain. Je ne surprends pas un traître mot, ce qui ne fait qu'accroître la curiosité qui me dévore.

Je voudrais tellement savoir ce qu'ils se disent en privé ! Pire encore, je brûle d'envie de demander à Erik où il a passé la nuit...

C'est stupide, je me suis mis toute seule dans la tête qu'il partageait son lit sans avoir aucune certitude. Après tout, je ne les ai jamais vus se tenir la main, sortir ensemble d'une même chambre ni s'embrasser.

À l'inverse, j'ai pleinement conscience qu'il était dans l'obscurité avec moi il y a moins de vingt-quatre heures, à mes pieds, pour me satisfaire de la plus incroyable des manières.

Ce qu'il ne semble pas avoir oublié non plus.

« Il faut dire qu'hier soir j'ai goûté à un fruit absolument délicieux... qui se trémoussait juste sous mon nez. »

Je m'étrangle avec ma salive à ces mots.

Bordel, je ne me trémoussais pas... Si ?

Je me maudis intérieurement de cette réflexion. Je ne peux pas le laisser me déconcentrer de cette manière, peu importe à quel point il est fort pour rendre irrésistible cette attirance entre nous.