Mr. & Mrs. Spike (Tome II)

Mission 26 : Me tromper sur ton compte

Calvin coupe le moteur de son véhicule à quelques pas de l'entrepôt. Dehors, le ciel commence déjà à se voiler. Le vent siffle une sinistre complainte.

Dans un silence de plomb, il étudie les lieux, quelque peu déconcerté.

— C'est là que tu vis ? me demande-t-il en remettant le col de sa chemise en place.

Malgré la pointe de tristesse que je perçois dans sa voix, je hoche la tête.

Je pourrais me justifier, lui expliquer ce qui m'a conduite là aujourd'hui, lui parler de tous ces endroits luxueux dans lesquels j'ai pénétré par le passé pour séduire une cible, mais je garde les lèvres scellées.

En vérité, je n'ai pas décroché un mot depuis que nous avons quitté la tour de ViSion, si ce n'est pour lui donner l'adresse, trop occupée à reconsidérer la décision que j'ai finalement prise.

Plusieurs fois, j'ai été tentée de changer d'avis, mais les mots de M. Pickham se sont inscrits au fer rouge dans mon esprit. Sciemment ou non, il a mis le doigt sur un pouvoir dont je ne soupçonnais pas l'existence.

C'est l'occasion ou jamais de montrer à ma mère et à mon oncle que ce sont désormais eux, les marionnettes.

Tout en resserrant les pans de nos manteaux contre nous, nous avançons vers l'entrepôt qui nous surplombe. Sitôt la porte franchie, nous trouvons le rez-de-chaussée vide. Si je m'y attendais, difficile pour Calvin de masquer son étonnement croissant. Pas une seule âme ne semble habiter ces lieux où l'odeur du métal rouillé se mêle à celle de la poussière.

Je n'ai aucun doute sur le fait que tous nous attendent de pied ferme dans la salle des opérations sobrement aménagée à l'étage, ce qui me tire un soupir d'exaspération.

Je parie que nous allons avoir droit à leur petit numéro. Génial.

— C'est charmant... se moque Calvin. Sors tout de suite la pelle avec laquelle tu vas m'enterrer, ça ira plus vite.

Je l'invite à me suivre en gloussant.

Je ne cache pas qu'il s'exécute avec méfiance. Alors qu'il grimpe les marches, ses yeux naviguent de droite à gauche, comme s'il redoutait une brusque attaque.

Je ne lui en veux pas, j'agirais sans doute de la même façon à sa place. Histoire de le rassurer, je tente un contact. Timidement, je réussis à attraper son index et son majeur dans ma main pour le guider. Surpris, il rive ses yeux aux miens. Pourtant, je remarque rapidement que son agitation se calme.

Nous poursuivons ainsi notre chemin, les doigts entrelacés.

Une fois devant la porte du fameux « bureau » où mes alliés nous attendent, je le lâche toutefois. Il ne s'en émeut pas le moins du monde. A-t-il compris que mon petit ami était de l'autre côté de cette porte en métal, prêt à le juger ?

Car une chose est sûre : si Erik ne s'adresse plus à moi dans l'oreillette depuis une petite heure, c'est parce qu'il n'aime certainement pas l'idée que Calvin ait réussi là où Scott et lui ont échoué. Bien que lui ne se soit pas vraiment risqué à me faire changer d'avis personnellement, pour une raison inexplicable puisqu'il est le mieux placé pour y parvenir. Il sait appuyer là où il faut, autant que l'homme qui m'emboîte le pas quand j'entre dans la pièce.

Aussitôt, mon regard se pose sur l'assassin assis derrière le bureau dans une posture sévère. Ou autoritaire ? Le mot adéquat m'échappe dès que j'avise les muscles de ses bras croisés et sa mâchoire verrouillée. Toute cette tension qui émane de lui n'a pour effet que d'attiser mon désir pour lui. Une bouffée de chaleur m'envahit.