Mission 37 : Relancer les hostilités entre nous

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Ça fait combien de temps que je suis allongée dans ce canapé ? Une heure ? Deux heures ?

Aucune idée. Le soleil semble toujours aussi haut dans le ciel, je l'aperçois à travers la grande baie vitrée. Il n'est probablement pas plus de 14 h.

Je dois dire qu'il est sacrément confortable. Il m'avale lentement, et je commence à douter qu'il me recrache un jour.

Je crois que Petite Graine se sent bien ici aussi.

Le tissu bleu foncé du canapé, allié aux touches de jaune et de blanc par-ci, par-là, donne un charme inattendu au salon. La cheminée qui lui fait face diffuse une chaleur agréable dans la pièce. Ses flammes m'hypnotisent. J'y vois l'étendue de mes péchés et, curieusement, j'y trouve aussi une détermination inédite.

Je n'aurais pas dû fuir. J'ai réagi au quart de tour, Erik doit être mort d'inquiétude pour nous. Pire, il s'imagine sans doute que je me suis abandonnée dans les bras d'un autre pour me venger de son attitude et lui montrer à quel point je peux être détachée de notre relation. Comme la dernière fois. Comme avec Scott.

Si seulement il savait qu'il ne m'est pas venu une seconde à l'esprit de rejoindre Calvin...

Des pas dans le couloir qui mène au bureau me tirent de mes pensées. Mon père entre dans la pièce et contourne le canapé pour se planter devant moi. Il tient encore son téléphone dans la main. Il est rentré il y a à peine un quart d'heure du rendez-vous professionnel auquel il devait se rendre. Avant ça, il avait tout de même pris soin de me conduire chez lui.

Ma solitude éphémère a eu le don de m'aider à reconsidérer la situation sous un autre angle. Je suis à présent plus calme, moins tiraillée par mes émotions négatives.

Victor me fixe avec inquiétude, et je crois bien que c'est la première fois que j'arrive à lire l'émotion qui se reflète dans ses prunelles.

— Qu'est-ce qu'il s'est passé ? me demande-t-il doucement.

Et je comprends alors ce que c'est, d'avoir un père, rien qu'au ton à la fois réprobateur et compatissant qu'il utilise. C'est comme s'il me reprochait quelque chose tout en me rassurant assez pour m'encourager à me confier.

Cet étonnant contraste fait naître une chaleur presque aussi réconfortante que celle de la cheminée en moi. On peut dire qu'il m'a bien cernée. Il a compris que j'avais le chic pour me mettre dans des situations pénibles toute seule...

— Il y a trois mois, j'ai embrassé Calvin dans son bureau, et Erik vient de l'apprendre, avoué-je sans détour.

Je n'ai pas honte. Ou si j'ai honte, ce n'est pas de me montrer honnête à ce sujet devant mon père, mais de l'acte en lui-même. Inutile de garder le secret bêtement, je sais qu'il ne me jugera pas. Et ses paroles le prouvent.

— Pourquoi as-tu fait ça, chérie ? s'enquiert-il calmement tout en prenant place sur le fauteuil en face de moi.

Est-ce la première fois qu'il me donne un petit surnom ? Je crois... Je me sens un instant barbouillée, les émotions sens dessus dessous à l'évocation de ce simple mot qui signifie tant.

Toutefois, comment lui expliquer quelque chose que je ne comprends pas moi-même ?

Je hausse les épaules.

— Je ne sais pas... C'est juste que...

— C'est la seule chose que tu connais ? complète-t-il.

Je hoche la tête, la gorge nouée.

— J'ai ce besoin désespéré de plaire. J'ignore comment montrer mon affection autrement qu'en passant par des gestes sexualisés.

Je laisse résonner un petit rire amer.

Mr. & Mrs. Spike (Tome II)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant