Mr. & Mrs. Spike (Tome II)

Mission 23 : Devenir ta marionnette

Nous sommes à l'arrêt, le monteur toujours ronronnant.

La panique me gagne. Le cœur battant, je regarde derrière, puis devant. Les deux véhicules nous encerclent. C'est sans issue.

Les portières s'ouvrent sur une petite armée d'individus entièrement vêtus de noir. Leur flot déferle sur nous avec une détermination et une organisation qui laissent penser qu'ils suivent un plan bien précis.

Mais celui de qui ?

En bons criminels qu'ils sont, ma mère et mon oncle saisissent leurs armes dans des gestes précipités tandis que Victor continue de m'enlacer d'un bras protecteur.

Pour autant, je ne me sens pas à l'abri. Depuis ce qu'il s'est produit à Scarlet Hollow, il me faut un moyen de défense supplémentaire, et par chance, j'ai eu la bonne idée de réclamer ce qu'il faut.

Je m'écarte légèrement de l'étreinte de mon père pour glisser la main jusqu'au bout de métal à ma ceinture. Je n'ai besoin de personne pour assurer ma sécurité. Et, quelque part au fond de moi, je ne suis pas certaine de vouloir laisser The LiStener et Mr. Silence s'échapper de cette voiture avant que je n'aie décidé de leur sort.

Mon père hausse les sourcils. Toutefois, au lieu de m'en empêcher, comme je le redoutais, c'est lui qui enroule ses doigts autour de la crosse tout en la maintenant cachée dans mon dos. 

Malgré ma surprise, je la lui cède. Il est certainement plus roué à l'exercice que je ne le suis.

Arme au poing, mon oncle se tourne vers ma mère.

— Prête, Lise ? lui demande-t-il.

Elle acquiesce avant de lever le canon en direction de la vitre.

Mon oncle nous jette un dernier coup d'œil.

— Prends soin d'elle, Victor, lance-t-il, déjà concentré sur la horde qui s'approche de part et d'autre.

Pour toute réponse, mon père lui offre un regard énigmatique, que mon oncle est visiblement le seul à pouvoir interpréter.

Puis c'est le silence. Un silence glaçant, assourdissant. Chacun se met à fixer les portières avec une impatience difficilement contrôlée. À cet instant, je sens dans leurs gestes et leurs paroles que les protagonistes à bord de cette voiture ne sont pas certains de ressortir vainqueurs de cet affrontement imprévu.

Et pour cause : nous ne sommes que quatre contre une dizaine, en me comptant. Sauf que je n'ai pas l'intention d'intervenir, à moins que ma vie ne soit en danger.

Ils vont enfin récolter ce qu'ils ont semé pendant tant d'années.

Je ne me mettrai en travers de la vengeance de personne.

Bientôt, les hommes en noir parviennent à notre véhicule. Conscients qu'il comporte plusieurs mécanismes de sécurité, ils se sont parés du matériel adéquat pour le forcer. Pendant que les uns s'occupent du blindage, les autres patientent avec leurs armes, prêts à l'assaut.

Un cri m'échappe lorsqu'ils parviennent à bout de leur tâche. En quelques instants, les portières sont ouvertes violemment, les vitres brisées. Mon père me baisse la tête pour protéger mon visage des éclats. Seulement, plusieurs d'entre eux viennent érafler mes jambes et mes bras, créant des coulures douloureusement artistiques.

Lorsque je relève les yeux, je découvre que deux hommes se sont emparés de ma mère et trois autres de mon oncle. Avant de les tirer hors de l'habitacle, ils vérifient leurs prises. Ils emprisonnent leurs mâchoires pour les dévisager.

— C'est bien lui, lâche l'un d'eux.

— Nous les tenons ! lui répond celui qui passe la tête par la portière opposée.