11 - Berceuse funeste

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Lorsque j'étais une petite fille de cinq ans, j'étais pleine de vie et de curiosité. J'aimais les animaux, et mon cœur se serrait chaque fois que j'en retrouvais un blessé.

Le manoir Moretti était mon royaume enchanté, un endroit où je pouvais courir dans les couloirs interminables, cherchant inlassablement Lorenzo, voulant qu'il s'amuse avec moi.

Mes petits frères et sœur étaient mes trésors les plus précieux. Ils étaient encore si jeunes, si vulnérables. Je me dévouais à leur bonheur, restant à leur chevet lorsque des larmes inondaient leurs petits visages. J'étais là, apaisant leurs chagrins, murmurant des mots doux pour les réconforter.

Mais plus je grandissais, plus la réalité me sautait aux yeux. Ma compréhension précoce du monde qui m'entourait m'effrayait. Les ténèbres s'insinuaient en moi, prenant racine dans mon esprit innocent.

J'étais consciente que mon père n'attendait rien d'une enfant faible et pleurnicharde. Je ne lui étais d'aucune utilité si je continuais à me montrer vulnérable.

La crainte de l'abandon m'a poussée à emprunter le chemin de non retour. J'ai appris à ne plus craindre la mort, m'y habituant comme à une compagne silencieuse.

Le sang, autrefois symbole de vie, était devenu une part sombre de mon quotidien. J'ai dû en faire couler pour m'en désensibiliser, pour me transformer en une coquille vide, impassible aux émotions qui autrefois m'envahissaient.

Mais je n'étais encore qu'une novice dans ce monde impitoyable. Si je voulais survivre, il me fallait être cruelle et rusée. Cependant, ma naïveté me jouait encore des tours. J'accordais ma confiance à mes amis, à ma famille, ignorant le fait que cela ne faisait que les pousser à me poignarder dans le dos.

Un jour, l'une de mes propres sœurs avait tentée de me tuer, et c'est à ce moment-là que j'ai réalisé la vérité brutale. Ce monde était cruel, sans pitié. Accorder sa confiance était une invitation à la trahison et à la destruction. Même ma propre famille cherchait à me précipiter dans l'abîme.

Comment pouvais-je encore ouvrir mon cœur et accorder ma confiance ?

Dans un acte de survie, j'ai alors tuée ma sœur de sang froid. Ce monde dans lequel j'étais née n'attendait aucune faiblesse de ma part. Pour régner ici, il fallait se détourner de toute confiance, de toute foi envers les autres.

La petite fille que j'étais décrite par tous comme un rayon de soleil s'était transformée en son opposé le plus sombre. J'ai dû devenir cette ombre pour survivre, pour résister à la douleur de ce monde.

J'ai dû abandonner toute forme d'innocence, de douceur, pour me forger une carapace d'acier. La compassion n'avait pas sa place dans cette réalité tordue.

Je m'étais perdue dans les méandres de mes propres démons, ne distinguant plus le bien du mal. Les frontières se sont estompées, et j'ai basculé dans une réalité étrange où la morale se noyait dans un océan de désirs confus.

Les gens ont commencé à me surnommer "la faucheuse". La terreur que j'inspirais était ma couronne, et mon regard dénué de toute compassion glaçait le sang de ceux qui croisaient ma route.

J'étais devenue une figure de légende, une incarnation de la mort elle-même. Une âme perdue, privée de toutes les joies de la vie et des couleurs du monde.

J'étais persuadée que le bonheur était une illusion, inaccessible pour moi. Jusqu'à ce qu'Ornella, ma petite sœur, apparaisse dans ma vie.

Au début, j'ai agi avec méfiance, persuadée que sa présence n'était qu'un stratagème pour me trahir et me détruire. Je me méfiais de cette douce chaleur qui émanait de ses petites mains frêles, pensant que c'était une ruse pour m'atteindre. Mais au fil du temps, l'innocence et la pureté d'Ornella ont réussi à briser les barrières de mon cœur endurci.

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