Un policier est à genoux devant Riley pour lui retirer son bracelet électronique, ma fille se frottant la cheville machinalement, en retrouvant temporairement sa liberté de mouvement. Notre rue est devenue un cirque à ciel ouvert. De nombreux voisins semblent avoir pris congé aujourd'hui alors que certains nous filment, d'autres applaudissent, d'autres non. Nous montons dans la voiture de notre avocat. Riley, comme moi, avons revêtu une tenue sobre, un tailleur pantalon gris, un simple coup de crayon autour des yeux et une queue de cheval. Nous nous ressemblons beaucoup, physiquement, elle tient énormément de moi, sauf pour sa mâchoire et sa fossette, qui lui proviennent de son père. Après lui avoir montré les dessous de mon Paul Bunyan, nous avons travaillé ensemble sur une déclaration qu'elle veut lire, mais qui reprend en majeure partie sa déclaration de la veille, faite à la journaliste. Quelques journalistes nous attendent pour une déclaration, qui est brève, mais Riley, une fois de plus, les remercie de s'être déplacés et remercie, en fixant la caméra, tous ceux qui la soutiennent, avant de s'engouffrer dans la voiture à la seconde où la porte de garage de la maison voisine se lève. Riley se force à fixer l'appuis-tête devant elle, elle croisera bien assez tôt le regard de celle qui a détruit sa vie et de celui qu'elle a aimé toute sa vie.
Tous ceux qui regardent les informations peuvent observer le visage inquiet, angoissé, de Riley alors qu'elle lève la tête pour regarder le Palais de Justice et s'accrocher à mon bras pour monter les marches. Nous sommes fouillés et scannés avant de pouvoir entrer. Le lieu est impressionnant, solennel. Je ne sais pas qui communique sa nervosité à l'autre, mais je suis dans le même état d'esprit que Riley. Tout va se jouer d'ici quelques minutes. C'est l'acte final d'une triste comédie dramatique.
Riley écoute ce que lui dit l'avocat et hoche la tête, elle regarde droit devant elle. Moi, depuis mon siège parmi le public, je peux observer l'agent Rosenberg qui semble abattue. J'imagine que l'acharnement médiatique dont elle fait l'objet en est la raison. Deborah fixe le sol, Tucker n'est pas présent.
Nous nous levons tous lorsque le juge entre et nous attendons qu'il s'installe pour nous asseoir.
« Il m'a été impossible de ne pas suivre cette affaire dans les médias, entre le silence d'une des parties et le mouvement de sympathie derrière l'autre. Cependant, nous sommes ici pour statuer sur un point de droit, objet de l'arrestation. J'ai cru comprendre que chaque partie a une déclaration, aussi je laisse la défense commencer. »
Je n'aime pas la tournure que cela prend. Manifestement, le juge ne s'est pas laissé attendrir ces derniers jours. J'écoute l'avocat des Spielman lire une déclaration relatant le stress que subit Tucker, sa peur de sortir, d'aller en cours. Le regard des voisins sur leur famille, le jugement populaire et le lynchage sur les réseaux sociaux. Notre avocat lit la déclaration de Riley, poignante. J'observe l'assistance, l'émotion est palpable. Deux adolescents se retrouvent au milieu d'une absurdité et l'un comme l'autre en paient le prix. Leur couple a éclaté, leur scolarité en pâtit.
« Merci », reprend le juge. « Ce que nous analysons ici c'est l'amour que se portaient deux adolescents, la réalité de notre époque avec les réseaux sociaux. Mademoiselle Hamilton a-t-elle fait preuve d'un manque de jugement en postant une photographie d'elle et de son petit ami, je ne crois pas. Mademoiselle Hamilton aurait-elle dû éviter de s'impliquer dans une romance avec Monsieur Spielman ? Ils sont dans la même classe, sont voisins, se connaissent depuis toujours. Je crois que cela est impossible. Tucker Spielman est-il plus jeune que Riley Hamilton ? Oui, de huit mois et quelques jours. Il ne m'appartient pas de chercher à comprendre pourquoi ce dossier a suivi son cours jusqu'à mon bureau. Les charges de cambriolage ont été abandonnées un peu plus tôt, il s'agissait d'un malentendu à ce qu'il m'a été signifié. Que le magasin soit celui où travaille Madame Spielman n'est probablement qu'une étrange coïncidence. L'administration interne de la police aura sa propre enquête à mener. Certes, officiellement Tucker Spielman a quinze ans, pour encore quelques mois. Ce qui est arrivé est malheureux. L'avenir de Mademoiselle Hamilton a été sacrifié sur un manque de jugement flagrant. Les agissements du personnel du centre de détention mérite que l'on s'y attarde sérieusement. Madame Spielman, que vous vouliez ce qu'il y a de mieux pour votre fils vous honore, mais la méthode employée est douteuse. Vous avez préféré piétiner les sentiments de deux adolescents, et écraser les rêves de Mademoiselle Riley au profit de votre fils. Ce n'est pas à moi de juger, mais j'espère que votre conscience vous fait souffrir. Mademoiselle Riley, vous êtes libre de vos mouvements. Aucune charge n'est retenue, il n'y a pas de dossier retenu contre vous. Je suis navré de ce qu'il vous est arrivé et j'espère, de tout mon cœur, qu'une université vous accueille dans son programme. En attendant, retournez en classe, vous avez assez manqué de cours. Si cela pose un problème à certains, n'hésitez pas à porter plainte auprès de votre établissement.

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Faceless
Mystery / ThrillerQuand Riley Price-Hamiltion, seize ans, se fait arrêter par la police un beau matin et se retrouve au milieu d'un cercle médiatique, elle ne se doute pas qu'elle ignore tout du passé de sa mère. Taylor Price est loin d'être la la mère au foyer qu'el...