Faceless

Chapitre 18

Riley reste à la maison pour recevoir les déménageurs au cas où je ne serais pas rentré à temps. Si je rentre. Je travaillais au siège, en Virginie, pas dans une antenne. Le bureau est discret, la sécurité de base, mon nom est sur le registre, je passe un portail, je ne sonne pas, je peux monter. La sécurité à l'étage est plus sérieuse. Pas d'appareils électroniques au-delà du scan. Je m'avance en cherchant le mur avec les photographies des criminels recherchés, comme on le voit dans des séries télévisées pour le FBI, mais je ne vois rien, je suis un peu déçue. Au siège, j'en avais un, et je rayais les criminels que je coinçais. Je reste assise jusqu'à ce que l'on vienne me chercher, sans un mot, et je suis sur le même mode.

Je m'assois et attend, mon rendez-vous cherchant à m'intimider en lisant un dossier qui, soit le découvre soit se rafraîchit la mémoire, soit il n'y a que des feuilles blanches.

« Daisy Frances Cobbs. »

Ah, ce ne sont pas des feuilles blanches.

« Alias Taylor Price, alias Ram. »

L'homme qui ne s'est pas présenté me regarde, je ne sais pas s'il me jauge ou s'il s'attend à ce que j'avoue quelque chose, tant je suis intimidée par sa technique d'interrogatoire.

« Curieux ce problème informatique dans le dossier qui concerne votre fille.

— Les bugs informatiques, ça arrive, je n'y suis pas forcément pour quelque chose.

— La coïncidence est étonnante.

— Et ?

— Rien. L'analyse des données ne trouve rien.

— Tant mieux. » soupirais-je. « Pour moi, enfin je veux dire, tant mieux que je n'ai rien fait. Vous envisagez de... m'arrêter pour quelque chose ? Le hacking ça remonte à loin, j'avais quatorze ans, c'était il y a vingt-cinq ans. C'est du passé. J'ai été de la maison vous savez.

— En effet.

— Donc ? Vous savez pertinemment que j'ai rendez-vous avec les déménageurs, alors pourquoi suis-je ici ? Sinon je m'en vais, j'ai autre chose à faire.

— Ahriman, si c'est bien lui, est de nouveau actif depuis quelques mois. »

Le nom me ramène des années en arrière alors que je traquais un terroriste dans une mission conjointe avec la CIA, me retrouvant en Iran, à Birjand près de la frontière avec l'Afghanistan. Ce fut mon seul et unique voyage à l'étranger, j'avais dix-neuf ans, j'étais une tête brûlée. Les agents de la CIA qui m'accompagnaient hésitaient entre m'abandonner dans le désert et me vendre à une caravane de bédouins. Quand j'ai craqué leurs véritables identités, me programmant une sécurité, ils ont arrêté de me prendre pour une enfant et ils ont commencé à se méfier de moi. J'étais bien plus dangereuse que je n'en laissais paraître. La reine du bal des finissants pouvait anéantir leur vie en appuyant sur une simple touche de clavier.

« Ari est mort. C'est ce que vous m'aviez dit, ce que la CIA avait dit. Je l'avais localisé, au millimètre près. Je me souviens encore des paroles 'la cible a été abattue'.

— En effet. Toutefois des attaques récentes nous interpellent, le codage est identique à celui d'Ahriman.

— Je suis à la retraite, vous avez du sang neuf, bonne chasse.

— Personne ne comprend comment vous avez fait pour le localiser à l'époque. Personne ne pense comme vous.

— C'était il y a plus de vingt ans, je ne pense même plus comme je pensais alors, j'avais dix-neuf ans, j'avais les hormones en ébullition !

— Aidez-nous.

— Hors de question. J'ai une fille qui vient de vivre un enfer, qui est en convalescence, il est hors de question que je replonge là-dedans au détriment de ma famille, pas comme la dernière fois.