Faceless

Chapitre 6

Je dors peu cette nuit-là, me méfiant des représailles de la part de la famille Spielman sur la maison et la voiture. J'ai sorti la vieille batte de baseball de mon mari, un couteau de cuisine et je reste dans le salon, prête. C'est Noël, mon téléphone s'illumine et vibre pendant des heures, celui se Riley s'illumine à chaque notification. Je grignote un peu, car je dois rester en forme puis je finis par fermer les yeux pour me reposer. En me réveillant à six heures, grâce à mon horloge interne, je me prépare un café et j'allume la télévision pendant qu'il coule, finissant par m'asseoir et écouter les informations. Riley est partout. La nuit n'a rien arrêté, au contraire. Des amies de ma fille se sont enchaînées, assises devant l'entrée du collège, une banderole indique qu'elles entament une grève de la faim, déjà qu'elles ne sont pas grosses. Les messages de soutien affluent de partout. À l'émission du matin, Hello L.A, plusieurs invités apportent aussi leur voix à la demande de relaxe et d'abandon des charges. Un reportage est diffusé sur ma fille, élève brillante, qui a tragiquement perdu son père quelques années plus tôt. Des journalistes sont devant le centre de détention. Honnêtement, je suis fière des filles. J'active l'écran de mon ordinateur et j'observe les dégâts causés par mon algorithme.

C'est comme le vélo, ça ne s'oublie pas.

Je monte me doucher et me préparer afin d'aller au centre de détention. Si Riley est encore en isolement, je me ferais une joie de parler aux journalistes. Je marque un temps d'arrêt en ouvrant ma porte, des journalistes se sont installés sur mon gazon, sur celui de Deborah. Ce n'est clairement pas cela qui va arranger les choses entre nous.

« Madame Hamilton ! », réagissent-ils à la seconde où je sors. Je suis obligée de leur parler bien que je sois pressée, mais je me dis que si la direction du centre regarde les nouvelles, ils vont savoir à quoi s'attendre.

« Bonjour. Avant de répondre à vos questions, je tiens à remercier les amies de ma fille, Riley, qui ont lancé un appel à l'aide pour crier à l'injustice. Je suis touchée par toutes ces marques de sympathie qui affluent de partout, si Riley pouvait voir cela, je sais qu'elle serait fière de ses amies comme je le suis, comme leurs mères doivent l'être. Les filles, si vous m'entendez, ne mettez pas votre santé en danger avec une grève de la faim, s'il vous plaît, ce n'est pas ce que Riley voudrait.

— Madame Hamilton, les accusations portées contre votre fille sont assez graves, son avenir est hypothéqué, qu'est-ce qui a pu causer une telle escalade dans ce dossier ? Riley et Tucker sont dans la même classe, il n'est pas en garderie.

— Ma fille doit passer son SAT demain. Elle le rate, elle rate son entrée à l'université. Sa vie est finie, c'est le triste constat auquel j'en suis arrivé. Quant aux raisons qui ont poussé la police à faire incarcérer ma fille comme une vulgaire criminelle, vous pouvez poser la question à l'agent Rosenberg, qui est juste ici », dis-je en la pointant du doigt. « Mais je doute qu'elle vous réponde puisqu'elle m'a dit, textuellement : 'je m'en lave les mains'. Excusez-moi, je dois aller au centre de détention, en espérant que je pourrais enfin voir ma fille. Ses droits constitutionnels ont été bafoués. Nous pensons être protégé par ce texte rédigé par les Pères Fondateurs, mais il n'en est rien. Des amendements, comme le quatrième et le huitième, sont censés protéger une jeune fille innocente, mais au vu des discours des représentants de la Police et des agents correctionnels, je me demande si nous sommes réellement en Amérique ou en Corée du Nord. Excusez-moi, je dois vraiment y aller.

— Madame Hamilton, une dernière question.

— Oui ?

— Le petit ami de votre fille, Tucker Spielman, est depuis hier la cible de la haine populaire. Vous le connaissez depuis toujours, votre fille et lui étaient les meilleurs amis du monde avant que leur relation évolue. Comment le vivez-vous ?