Chapitre 18

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Musique : Atlantis - Seafret

— Ne boit pas trop Vic. Me hurle ma mère inquiète.

Je fais comme si je n'avais rien tendu. Je verse le vin délicatement dans mon verre. Je fais ce que bon me semble, je suis grande. A ce que je saches, je fais ce que je veux. Je l'entends encore me hurler dessus et me parler. Ce n'est pas possible d'être tranquille dans cette famille.

On ne peut même plus noyer son chagrin.

Il y a des jours où la tristesse prend le dessus sans savoir réellement pourquoi. Notre mélancolie date depuis si longtemps. Elle s'est enfouie en nous, nous faisant oublier d'où elle vient exactement.

Le soleil est couché, la journée n'a pas été réellement productive pour ma part. Je n'ai fait que signer des magazines qui montrent la nouvelle collection. Ils seront envoyés chez des fans.

Mon père a passé sa journée à répondre au mail et au téléphone. L'objectif de la boîte est atteint, de nouveau magasin ouvert à l'international, notamment en Angleterre. Mon père rêvait de conquérir l'Angleterre.

Pourtant ce n'était pas suffisant. Ce n'est jamais suffisant. c'est toujours pareil. Il faut toujours voir plus grand, plus loin. Je suis toujours au milieu de ses plans. Je ne dois pas prendre trop de poids, je ne dois pas être triste ou mal. Je dois être parfaite, je dois faire rêver les petites filles et les jeunes femmes. Je ne dois pas faire de vagues. Je suis l'image de la marque. Je ne suis rien d'autre pour lui.Je ne suis que le fruit de sa réussite.

Je récupère une nouvelle bouteille en chemin et m'éloigne. De manière cyclique, je remplis mon verre une fois fini. La bouteille descend plus vite que prévue. Elle est plus petite que ce que je pensais. Je le sens, je ne suis plus réellement maître de moi-même. Je laisse mon corps divaguer.

Je me sens bien, libre, sans regard intrusif. Je suis moi, je suis plus qu'une image, plus que ça.

Suis-je une personne pour lui ? Serais-je aussi important si je n'étais pas l'image de sa marque. Mon père a toujours fait plus attention à sa marque, à son image qu'à sa famille. Est-ce qu'il sait ? Sait-il que je suis détruite par sa faute ? Détruite de n'être rien à ses yeux, ne pas être important. je n'ai l'impression de n'être rien.

Je finis mon verre et le remplis de nouveau. Je me sens aller de plus en plus vers la gauche.

J'ai mal, je voudrais être aussi importante que ces foutus vêtements, que cette foutue influence. Aussi importante que le pouvoir qu'il détient sur les médias et le monde.

Je voudrais être sa fille. Je voudrais avoir un papa.

Le liquide rouge se frotte contre la paroi du verre. La bouteille est légère, trop légère. D'un coup d'œil, je comprends qu'il n'y a plus rien. Je la laisse tomber sur l'herbe.

L'alcool est nocif, toxique, beaucoup le savent. Une fois commencé, l'espace entre la réalité et les ténèbres est séparé entre une simple petite marche. C'est tellement facile de glisser et de tomber, sans pouvoir se rattraper.

L'alcool fait mal. Elle nous blesse et blesse les autres. Ce n'est pas simplement un moyen d'oublier pendant un petit instant. C'est un moyen de faire une pause, de vivre dans un autre monde. Je peux enfin arrêter de penser, de réfléchir. Je peux être en paix pendant quelques minutes, quelques heures.

Je déambule, bouge dans tous les sens, mes mouvements sont flous, pas contrôler, brusque. Je ne suis pas sûr de savoir ce que je fais. J'entends un bourdonnement, comme ce moustique que l'on entend près de notre oreille.

Je n'entends plus rien.

Je sens mon corps tomber. C'est lent. Le temps ralentit. C'est calme, c'est vide. C'est le néant. Je n'entends plus rien.

Un seul pasOù les histoires vivent. Découvrez maintenant