Dépendance

Chapitre 23

Logan

Les yeux fermés, je me focalise uniquement sur la respiration de Freya. Lente et régulière. La savoir vivante m'apporte un immense réconfort et calme mes démons. Je m'autorise enfin à prendre une grande bouffée d'oxygène. Elle est en vie.

- Mademoiselle Walker se réveillera. Dit Arthur en prenant place sur une chaise. Cesse de t'en vouloir pour une chose qui n'est pas de ta faute, Logan.

Est-ce réellement un accident ? Je n'arrive pas à me retirer l'idée de la tête que tout ceci est entièrement de ma faute. Puis-je croire en ses affirmations ?

- Je me posais des questions. Dis-je pour chasser les pensées négatives de mon esprit.

Il me regarde, intrigué. Je me redresse pour ancrer mon regard dans le sien.

- Comment vous êtes-vous rencontrés ? Que se passe-t-il entre vous ?

- Monsieur Walker m'avait engagé pour devenir le chauffeur et le garde du corps de sa fille. Commence-t-il sans me lâcher des yeux. Il souhaite réellement que je vois la véracité de ses propos. Les rumeurs fusaient dans tous les sens. Elles me concernaient toutes, allant d'un psychopathe sanguinaire à un tueur doté d'une intelligence hors norme. Il s'interrompt pour s'éclaircir la voix. Nous étions ensemble pour son premier contrat. J'ai compris à ce moment-là qui elle était réellement. Et pour la seconde question, il n'y a qu'une relation professionnelle entre nous.

- Qui est-elle ?

Le brun pose ses avant-bras sur le dossier de la chaise et prend une profonde inspiration.

- Freya souffre d'un trouble dissociatif de l'identité. S'exclame-t-il. Sa vraie personnalité est capable de ressentir de la pitié pour les gens. Elle est bonne, rayonnante et douce. La seconde n'est que noirceur. Freya est addicte au sang. Et voir ses victimes souffrir ne fait qu'augmenter son plaisir de tuer. En dix ans de carrière, je n'avais jamais vu ça...

Bien-sûr, tout est bien plus clair maintenant. Je caresse encore une fois les cheveux de ma belle endormie et dépose un chaste baiser sur son front en espérant qu'elle ressente la sensation de mes lèvres sur sa peau.

- Nous l'avions remarqué avec mes coéquipiers. Ce n'est vraiment pas pour me déplaire. Ricané-je. Qu'est-il arrivé pour qu'elle soit atteinte du TDI ?

- Son cerveau se protège comme il le peut face à la violence de notre monde. Ce n'est pas une chose que nous souhaitons voir dès notre plus jeune âge...

- Conclusion, elle est tombée dans une famille de merde.

- Seulement dans le cas de Monsieur Walker qui souhaitait faire de sa fille une véritable machine à tuer. Son épouse s'imaginait un autre avenir pour la princesse Walker.

Je comprends mieux. Freya ne voulait pas de cette vie. Elle désirait l'avenir que sa mère lui proposait. Que ressent-elle en voyant toutes ces jeunes femmes de son âge vivre ce qu'elle ne pourra jamais connaître ? Les jalouse-t-elle ? A-t-elle imaginé pouvoir s'enfuir et tout recommencer dans un autre pays ?

Suis-je capable de lui offrir le véritable bonheur ? Si Freya parvient à réaliser son souhait, voudra-t-elle toujours de moi à ses côtés ?

Ne commence pas à te ruiner le moral... L'objet de tes fantasmes est toujours avec toi. Ne t'imagine pas le pire, Logan...

Je me redresse complètement.

- Avant qu'elle ne tue son père, il me semble avoir entendu quelques échos sur sa mère. Peux-tu m'en dire plus ?

Il se remet debout et commence à faire les cent pas dans la pièce. Est-ce un sujet tabou ? Ses mains s'agrippent à ses cheveux et tirent légèrement dessus. Pourquoi est-il aussi mal à l'aise de mentionner Madame Walker ?

- Monsieur Walker voulait un fils pour qu'il lui succède à sa mort. Commence-t-il d'une voix lointaine. Apprendre que sa femme avait mis au monde une fille l'a rendu fou de rage. Il affirmait que Freya était un déchet, une bonne à rien et qu'en dehors de pouvoir écarter les cuisses plus tard, elle ne servirait à rien. Dit-il avec haine. Ce fils de pute en a fait part à sa femme en lui mettant un flingue dans les mains. Freya devait mourir. Madame Walker a refusé et s'est mise devant leur fille pour faire office de bouclier entre son père et elle. Mon ancien patron était en crise noire. À ses yeux, il s'agissait d'une insubordination. Chez les Walker, si tu refuses de te soumettre... Tu crèves. Arthur remonte les manches de sa veste pour dévoiler le tatouage d'appartenance. Ce nom ancré dans sa chair est le signe de sa loyauté. « Je ne veux pas de faible dans mes rangs. Tu me déçois profondément ma chère épouse...» a-t-il dit en regardant sa femme se vider de son sang.

Le brun me fait signe de le suivre dehors. J'embrasse une dernière fois le front de la jeune femme et marche aux côtés d'Arthur. Nous arrivons sur les marches du manoir. Il s'assoit et s'allume une clope. J'imite son geste en regardant ce petit bout du domaine Walker qui se trouve sous mes yeux.

Aucun de nous ne souhaite briser le silence qui s'est installé. Nous fumons tranquillement, profitant de ce magnifique coucher de soleil. Je me perds dans la contemplation du ciel orangé. Que se passera-t-il maintenant ? Avons-nous la possibilité d'envisager un semblant de tranquillité ?

- Je suis soulagé que Monsieur Walker soit mort. Il passait son temps à la rabaisser, lui rappelant sans cesse qu'une femme n'est bonne qu'à se faire sauter. Ça ne pouvait plus durer... Ce soir-là, si elle n'avait pas appuyé sur la gâchette. Je l'aurais fait moi-même.

Cette révélation me fait ouvrir les yeux. Arthur est amoureux de Freya. Il ne réagirait pas ainsi si ça n'était pas été le cas...

- Tu l'aimes. Affirmé-je.

- Pourquoi ? Demande-t-il en recrachant la fumée.

- Je te demande juste de me dire oui ou non.

- Effectivement, je suis fou amoureux d'elle. Mais elle a fait un choix, Logan. Je ne suis pas une menace pour ton histoire d'amour avec Freya. Je ne le serais jamais. Tu n'as aucune crainte à avoir.

Nous demeurons dans le silence en restant assis sur les marches du manoir. Il n'y a plus rien à dire...