— Putain...
Markus émergea lentement de sa beaucoup trop courte sieste sur le canapé et cala le petit corps endormi contre son épaule, glissant un lange sous la bouche beaucoup trop prompte à régurgiter son lait à son goût. Il se traîna en baillant vers la porte, où l'on frappait avec insistance. Il jeta un coup d'œil par l'œil-de-bœuf pour vérifier qui était le visiteur importun, bien prêt à l'envoyer bouler si c'était un livreur ayant refusé de lire le panonceau « merci de ne pas déranger entre 13 h et 17 h ».
Mais un seul regard lui suffit à déverrouiller la porte et à l'ouvrir en grand.
— Juan ?
Son ami grelottait sur le palier, ses mèches bleues et mauves étaient en bataille et son mascara ruisselait sur ses joues, emporté par un flot de larmes.
— Ok, rentre. T'es pas obligé de parler, viens.
D'une seule main, rendue experte par l'habitude de fonctionner avec un bras encombré, l'Oméga guida son ami vers le vieux sofa, rescapé de leurs jeunes années dans le loft de Jasper et meilleur spot de réconfort de tout leur salon. C'est d'ailleurs de là qu'il venait de se lever, la place était encore chaude. Il ensevelit Juan sous une montagne de plaids puis s'y glissa aussi, toujours sans réveiller le bébé endormi contre lui. Il attira son ami de l'autre côté, sous son bras libre, dans un geste tout parental, et lui caressa les cheveux. Juan se blottit contre lui et ses larmes silencieuses se muèrent en sanglots lourds et angoissés, entrecoupés de brèves excuses que Markus chassaient d'une caresse plus appuyée.
Lorsque le flot se tarit enfin, et que le silence n'était plus entrecoupé que des brèves inspirations hachées du Juan, Markus murmura :
— Veux-tu un thé ? Un truc plus fort ?
Il lorgna vers le bar en vieux chêne, dont les portes coulissantes étaient soigneusement verrouillées par des bloque-portes en plastique blancs hideux mais efficaces. Il était plutôt partisan des boissons chaudes en cas de coup dur, mais s'il n'avait jamais partagé l'amour que son Alpha et Juan vouaient aux whiskies tourbés, il était bien forcé de constater que parfois, la brûlure de l'alcool remettait les idées en place très brutalement.
Juan écrasa ses yeux des deux paumes, étalant son maquillage et essuyant ses dernières larmes. Puis il soupira et leva un regard noyé vers Markus, qui s'était levé.
— Thé. S'il te plait. Jasper n'est pas là ?
— Il est allé chercher les enfants à l'école.
— Il faut que je me débarbouille. Ils peuvent pas me voir comme ça...
— Va dans notre salle de bain, alors. Le démaquillant de Jasper est sur l'étagère de droite, en haut.
— 'rci.
Juan s'extirpa du sofa et poussa la porte de la chambre de ses amis, lorgnant d'un air absent les deux matelas queen size au sol et les draps entortillés dans tous les sens, faisant abstraction de la discrète odeur de lait et de bébé, et enjamba une pile de linge sale pour atteindre la porte de la salle de bain. Un meuble double vasque indiquait clairement que la salle de bain était partagée : le lavabo de droite était encadré par des étagères bourrées de maquillage, rasoirs et dentifrices mentholés quand celle de gauche n'était encadrée que de lingettes lavables pour se débarbouiller, de dentifrice à la fraise et de brosses à dents en forme d'animaux.
Cherchant à droite de la vasque de droite, l'étagère de Jasper, Juan mit facilement la main sur du démaquillant et des lingettes douces pour la peau et il nettoya son visage en quelques instants, la routine étant automatique depuis des années. Rafraichi, il ne put que constater que ses yeux étaient horribles. Bouffis, gonflés, et rouges. Il se détesta d'être aussi faible.
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Révolution
RomanceUne révolution, c'est un bouleversement, un changement. Une révolution, c'est aussi un tour complet sur soi même. Le tour que la Terre fait autour du soleil. Une révolution, c'est aussi ce que vit Juan, Oméga récessif, considéré comme stérile, 35...