Chapitre 38

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— Mais ça fait combien de temps que vous ne vous êtes pas touchés, Cariño ?

Rémi releva le nez de son thé, qu'il touillait pensivement depuis une bonne minute. Il venait de s'ouvrir à Juan et s'attendait à tout sauf à cette question. Il trouvait Christopher distant et triste.

— Je le touche tous les jours.

— Tu lui tiens la main et tu lui fais un gentil bisou en partant. Il a failli claquer, mais il n'est plus cassé de partout maintenant. Il n'y a que son fémur qui est encore en chantier. Depuis quand vous ne vous êtes pas fait de vrai câlin ? C'est votre langage de l'amour à vous. Il s'ennuie. Il a mal. A mon avis il ressasse l'agression et il a besoin de voir le psy et vous le savez tous. T'as bien vu comme il est content depuis que je lui ai apporté du boulot !

Rémi sourit faiblement et baissa à nouveau les yeux. Depuis des jours, il voyait Christopher se renfermer et s'éloigner de lui. Il le vivait comme un violent rejet alors qu'il savait, au fond de lui, que ce n'était pas le cas. Mais son amoureux allait mal et il refusait d'en parler. Il faisait son maximum pour avoir l'air égal à lui-même, comme si une agression aussi violente et les semaines qui avaient suivi n'étaient qu'un aléa de la vie quotidienne. Comme si après toutes ces années de vie commune, il ne le connaissait pas. Comme s'il pouvait lui cacher quelque chose d'aussi brutal. Comme s'il n'avait pas été attentif au moindre petit changement pendant son coma et les jours qui suivirent son réveil. Il le voyait. Il voyait chaque frémissement de ses paupières, la légère crispation de son menton quand la douleur explosait dans sa jambe. Bien sûr qu'il le voyait. Comme il voyait Chris mimer le sommeil. Pour le tenir éloigné de sa souffrance. En l'éloignant de lui.

Les doigts fins de son Oméga se glissèrent sur les siens et il les captura pour les porter à sa bouche. Juan frissonna légèrement. Lui non plus il ne l'avait pas touché depuis des semaines. Il lui sourit, tourna sa main pour en embrasser la paume, puis le creux du poignet.

— Je te promets qu'une fois que tout ça sera derrière nous je vais me rattraper Chaton.

Juan lui fit signe de se pencher à travers la table qui les séparait et il lui tendit les lèvres, fermant déjà les yeux. Une pichenette claqua sèchement sur son front.

— On a traversé une épreuve. Tous ensemble. Si tu reparles de « rattrapage » je te jure que je vais me mettre en colère. Je t'aime, Cariño. Et toi non plus tu vas pas bien. J'espère que tu en es conscient.

— Je suis encore inquiet pour lui. Quand il ira mieux, j'irais mieux.

Juan lui sourit, et il se sentit subitement plus léger. Son Oméga était sublime. La plus belle personne qu'il ait jamais connu. Solaire, solide, lumineux. Il ne trouvait jamais assez d'adjectifs pour le décrire. Il ne se lassait jamais de l'observer. Il se pencha un peu plus et passa une main dans les mèches bleues. Le jeune homme rougit un peu et s'excusa de ne pas avoir eu le temps de recolorer ses racines. Ce fut son tour de le gronder. Il le trouvait sublime tout le temps, il se moquait bien de la couleur de ses cheveux. Juan se tortilla un peu sur sa chaise, et Rémi se pencha plus franchement pour baiser rapidement sa bouche.

— Je réserverais à l'hôtel-spa quand Chris sera sorti de l'hosto. D'ici une semaine ça devrait être bon.

— Il ira chez Samir, vraiment ?

— C'est ce qui est prévu. Tout est adapté au fauteuil roulant, ils vont juste être un peu à l'étroit pour circuler je pense. Mais Chris aura bientôt le droit aux béquilles, il faudra juste qu'il s'en serve le moins possible à cause de son poignet, la consolidation n'est pas terminée. Donc même quand il n'aura plus le fauteuil, il va rester chez Samir. Je pense. Il y a la place de circuler, tout est conçu pour fonctionner à hauteur d'une personne assise. Il aura besoin des béquilles pour passer d'une pièce à l'autre mais c'est tout. Je sais pas.

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